Merzak Allouache a réuni ses acteurs Khaled Benaissa, Nabil Asli et Adila Bendimered et a repris sa caméra en mains pour aller sur les Hauts-Plateaux, une terre très belle pourtant et pleine de promesses, tourner Le Repenti, une histoire sciemment ancrée dans la mémoire de la tragique décennie qu'a vécue notre pays. Le film montre bien que l'enjeu de la loi sur le pardon et la réconciliation est quelque chose d'impossible à accepter. Et qu'un criminel irréductible même s'il fait semblant de se rendre reste toujours dangereux. Là où le film de Merzak Allouache est très fort, c'est quand il montre et fait ressentir l'immense douleur du père et de la mère dont la fille a été kidnappée et assassinée. Par la suite tous les deux tombent dans un traquenard. Concrètement, Le Repenti est une œuvre d'un bon niveau, ce qui justifie sa présence au festival de Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs. Réactions très mitigées en revanche au film marocain de Nabil Ayouch (Un Certain regard) : Les Chevaux de Dieu, sur des jeunes des bidonvilles de Casablanca qui deviennent terroristes. Le réalisateur confond facilement un thème politique d'actualité au Maroc, théâtre de violences islamistes, avec le penchant de ses producteurs européens de voir d'abord étalée à l'écran l'atroce misère et les ténèbres dans lesquelles survit toute une population du royaume voisin. Nabil Ayouch pousse l'inconscience jusqu'à montrer les Marocains, ses frères, même ceux qui n'ont rien à voir avec l'islam radical, comme des gens indignes, grossiers, sauvages. Il y a une limite à tout. Merzak Allouache, au contraire, est beaucoup plus intelligeant dans le traitement de ce thème. Même son portrait du jeune jihadiste est digne et suscite plus la pitié que l'indignation. Peut-être aussi parce qu'il est joué par Nabil Asli, acteur sympathique… Tandis que Nabil Ayouch, au fond mauvais cinéaste lui-même, fait croire que tous les gosses de bidonvilles de Casablanca sont déjà terroristes dans le ventre de leur mère. Qu'est-ce que dirait alors Yamina Benguigui, elle-même sortie d'un bidonville, aujourd'hui ministre ! Coup de cœur pour Chronique d'une cour de récré, de Brahim Fritah (vu au marché du film),une belle histoire tournée à Paris où apparait Mostefa Djadjam, sur des gosses d'émigrés maghrébins, de réfugiés politiques chiliens, très beaux, très malins, doués d'un imaginaire réjouissant et de rêves époustouflants. Dés l'enfance, Xavier Dolan, cinéaste canadien de 23 ans à peine a manifesté un indéfectible amour pour le cinéma. Il a déployé une activité artistique sans limite à l'âge où d'autres sont encore sur les bancs de l'université. Lawrence Anyways, son film dans la section officielle Un certain regard, nous a laissé médusé d'admiration. C'est une œuvre de grande élégance dans la mise en scène sur la tolérance, les préjugés, le refus d'accepter la différence, le poids des habitudes, sur la différence qu'on soit homme, femme, noir, jaune ou blanc. C'est un travail très érudit. Qui utilise à la fois les images, la littérature, la poésie, la musique, le désign, la mode et en fait quelque chose de très personnel au réalisateur de génie qu'est Xavier Dolan. Tout est mis à ses propres fins, à ses sensibilités, à ses émotions. Son film a provoqué un choc salutaire au festival de Cannes. On veut bien croire que c'est seul le cinéma lui donne l'espoir de vivre.