Les Maliens peuvent enfin souffler. Après avoir admis samedi le principe de laisser le président par intérim, Dioncounda Traoré, gouverner le pays au-delà des 40 jours prévus par la Constitution, la junte militaire – qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars dernier – a accepté, non sans résistance, à ce que les nouvelles autorités civiles organisent également l'élection présidentielle devant permettre au Mali le retour à l'ordre constitutionnel. En vertu de l'accord trouvé dimanche entre les ex-putschistes et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), le scrutin doit avoir lieu au terme d'une période de transition fixée à 12 mois. Inutile de dire que cet accord intervient après d'âpres négociations entre les deux parties. Le 22 avril dernier, lors d'une réunion à Abidjan, les chefs d'Etat de l'organisation ouest-africaine avaient fixé la période de transition à 12 mois, invitant les putschistes à «rejoindre leurs casernes». Une proposition que ces derniers avaient rejetée. Il faut rappeler que le chef de la junte militaire, le capitaine Amadou Sanogo, ne s'est jamais mis à l'écart du pouvoir depuis le putsch contre ATT. Mieux, il voulait continuer à tirer les ficelles. Pour y parvenir, Amadou Sanogo avait proposé, le lundi 14 mai, l'organisation d'«une convention avec toutes les forces vives de la nation pour choisir le président de transition jusqu'à l'élection du prochain chef de l'Etat malien» et faire en sorte que les Maliens reprennent en main leur pays. Cela explique d'ailleurs la raison pour laquelle le président Dioncounda et son chef du gouvernement ne se sont pas parvenus à s'imposer et, surtout, mettre à exécution leur plan de sortie crise. Pour donner une chance aux négociations d'aboutir, la Cédéao a dû accorder au capitaine Sanogo une batterie de privilèges, comme celui de le faire bénéficier du statut d'ancien chef d'Etat avec tous les avantages qui vont avec (logement garanti par l'Etat, garde rapprochée, traitement et indemnités accordés à un chef d'Etat à la retraite, etc.). Le tout est de savoir si les autres membres du Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l'Etat (CNRDRE) qui ont participé à renverser ATT accepteront le «marché» conclu entre le capitaine Sanogo et la Cédéao. La question se pose d'autant que certains d'entre eux n'ont pas hésité à exprimer leur désappointement à l'annonce de l'accord. Leur mécontentement est relayé par une partie de la classe politique qui n'a pas hésité à exprimer son rejet de l'accord en question en organisant, hier, une marche de protestation au centre de Bamako. La manifestation est intervenue à l'appel de la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam) favorable au coup d'Etat du 22 mars. Le président de la Copam, Hamadoun Amion Guindo, a affirmé que «les dispositions prises par la Cédéao n'engagent pas les Maliens». «C'est une trahison. Ceux qui sont venus à Bamako n'ont pas de considération pour les Maliens», a-t-il dénoncé. La réaction de la Copam montre à tout le moins que l'accord arraché par la Cédéao reste fragile. Si maintenant la situation est sur le point de rentrer dans l'ordre à Bamako, il demeure, cependant, que la problématique de la crise de l'Azawad reste entière. Et plus le temps passe, plus elle sera difficile à résoudre dans la mesure où le Mouvement national de l'Azawad (MNLA) et Ançar Eddine, les deux mouvements armés qui se disputaient jusque-là le terrain, négocient actuellement la possibilité de contracter une alliance pour peser davantage sur le terrain.