On nous promettait l'enfer si, d'aventure, nous boudions les urnes. Les chasseurs de l'OTAN allaient, prédisait-on, essaimer dans notre espace aérien et les télés du monde s'apprêtaient à dépêcher leurs reporters de guerre pour raconter en live l'Algérie de l'après-10 mai… C'est le scénario faussement hitchcockien écrit par Bouteflika et ses alliés et relayé par les médias périphériques pour vendre un scrutin qui n'a, en réalité, rien de crucial. L'objectif était de titiller l'ego patriotique des Algériens, qu'on sait à fleur de peau dès qu'il est question d'intervention étrangère. Cette propagande du régime a bénéficié d'une orchestration politique et médiatique de sorte qu'elle soit «avalée» par de larges secteurs de l'opinion. On aura remarqué qu'en plus du duo FLN-RND et, évidemment, du PT, le FFS a repris à son compte le slogan officiel de la campagne qui veut que l'Algérie soit menacée. Du jamais vu ni entendu de la part d'un parti qui éprouvait jusque-là une répulsion épidermique à tout ce qui émane du régime. Pour Bouteflika et ses soutiens, le ralliement du parti d'Aït Ahmed à sa cause est inespéré en ces temps d'incertitudes. C'est une planche de salut tendue à un pouvoir à la dérive morale et politique en quête de régénération. Mais que s'est-il donc passé après au lendemain du 10 mai ? Rien. Non seulement l'OTAN et «les ennemis de l'Algérie» n'ont pas frappé mais, plus encore, le régime a reçu un bulletin de notes très satisfaisant de la part de ces mêmes agresseurs potentiels contre lesquels le Président nous mettait en garde… Eh oui, par une alchimie politique bien algérienne, nos ennemis d'hier se transforment, comme par enchantement, en alliés et amis d'aujourd'hui. Encore que l'OTAN et ces «ennemis de l'extérieur» ne s'encombrent pas de scrutins réguliers pour frapper là où ils veulent… La réalité est que la menace du 10 mai pesait plutôt sur le régime qui a atteint un stade avancé de putréfaction que sur les Algériens réduits à des sujets méprisables et corvéables. Les SOS lancinants lancés par Bouteflika traduisent le désarroi d'un régime cliniquement mort mais qui, par instinct de survie, tente de jeter une improbable passerelle avec son peuple. Or, les ressorts sont irrémédiablement cassés cinquante ans après l'indépendance. C'est là le grand échec de cette génération qui «a fait son temps» mais continue de siphonner la rente et d'imposer sa tutelle politique sur la jeunesse algérienne. Quelle pourrait donc être la substance des festivités marquant le 50e anniversaire de l'indépendance du pays ? Ironie du sort, le FLN historique qui a libéré le pays a fait des petits aux dents très longues. Ceux qui ont pris le pouvoir en 1962 le gardent encore en 2012. Le boomerang du 10 mai est à cet égard frappant : entre ceux qui ont boudé les urnes et ceux qui ont voté nul, ils sont près de 80% parmi les Algériens à avoir ignoré l'appel de «détresse» de Bouteflika. Faut-il alors crier victoire après un tel désaveu ? Le peuple a définitivement compris, le 10 mai dernier, où se situe la menace qui guette l'Algérie.