Accusé d'abus sexuel et de viol sur ses trois filles mineures, Mohamed a été présenté hier au parquet de Chéraga près la cour de Blida. Après une longue audition et une confrontation avec ses trois victimes, il a été placé sous mandat de dépôt. Dans quelques semaines, l'accusé sera traduit devant le tribunal criminel et vu l'âge des victimes (17, 14 et 11 ans), le procès aura lieu à huis clos. Seule la maman, citée en tant que témoin, et les avocats prendront part au jugement de cette affaire qui a bouleversé une grande partie de la population de Baba Hassen, un quartier situé au sud-ouest d'Alger. En effet, il y a quelques jours, l'une des trois filles de Mohamed, âgée d'à peine 14 ans, a fugué de la maison familiale et, après plusieurs heures d'errements, a rejoint le domicile de sa tante. Celle-ci a tenté de faire retourner sa nièce chez elle, mais l'adolescente a refusé catégoriquement puis a décidé de raconter l'enfer dans lequel elle et ses deux sœurs vivent depuis que son père est sorti de prison, il y a trois ans. Choquée par le témoignage, la tante a sollicité un gynécologue qui, après examen de l'adolescente, a constaté des traces d'abus sexuels et une perforation de l'hymen. La tante dépose plainte auprès de la Gendarmerie nationale et la brigade des mineurs a pris en charge les investigations. Les deux autres sœurs, âgées de 17 et 11 ans, ont été entendues et leurs aveux sont identiques à ceux de la première. Les adolescentes accusent leur père d'avoir abusé d'elles durant trois longues années. Auparavant, il était en prison ; elles ne l'ont pas bien connu. Elles étaient très jeunes lorsqu'il a été arrêté et condamné à une peine de dix ans, qu'il a purgée, pour une affaire de faux. Tant attendu, son retour parmi elles a brisé à tout jamais leur vie. Exclues des bancs de l'école, ces trois enfants vivaient dans la misère la plus totale, mais celle-ci s'est avérée plus clémente que les souffrances qu'elles subissaient à chaque fois que leur père abusait de leurs corps frêles.Terrorisées, elles n'ont jamais osé rompre le silence. Même à leur mère, elles avaient peur de se confier. Il a fallu que l'une des adolescentes décide d'aller chercher un toit plus sûr, auprès de sa tante, pour que l'amère vérité sur le comportement du père soit mise au jour. Femme au foyer, la mère n'a elle aussi jamais pu mettre un terme à cette horreur. Elle avait des soupçons sur les penchants de son mari, mais elle ne pouvait rien faire. Le qu'en-dira-t-on, la peur d'une réaction brutale du père, le sentiment de culpabilité ont fait de cette maman une complice involontaire. Elle niera au début les aveux de ses filles, mais une fois confrontée à elles, elle a fini par avouer qu'elle ne pouvait rien faire. Elle était impuissante face à un père violent et entreprenant. Elle sera néanmoins épargnée par l'enquête de la brigade des mineurs dans le seul souci de laisser aux trois fillettes une chance de retrouver la chaleur familiale avec une maman à laquelle elles sont attachées. Durant les auditions, les trois sœurs ont affirmé que leur mère les aimait beaucoup. Selon leurs dires, elle ne pouvait pas être au courant des sévices qu'elles subissaient quotidiennement. Le juge a donc préféré la laisser en tant que témoin afin qu'elle puisse recoller les morceaux d'une famille qu'un père pervers avait fait éclater. Un père qui avait, dans un premier temps, nié les faits, avant de les justifier par son «amour» pour ses filles. «Je les aime beaucoup. Il est normal que je leur donne leur bain, je les coiffe, je dors avec elles, etc.», dit-il non seulement aux enquêteurs, mais également au juge des mineurs. Mais les confrontations avec les victimes lui ont été fatales. Raison pour laquelle le procureur du tribunal de Chéraga l'a inculpé et le juge l'a placé sous mandat de dépôt, en attendant son jugement par le tribunal criminel.