L'affaire est sur toutes les lèvres à Baba Hassen, au sud-ouest d'Alger, au point de devenir la hantise de tous. Victimes de pédophilie, trois jeunes filles, Aïcha, Nacéra et Souad (nous les appellerons ainsi pour préserver leur anonymat) se pliaient depuis des années aux instincts bestiaux de leur agresseur qui n'était autre que leur père. N'était la réaction de la deuxième, l'enfer dans lequel elles vivaient aurait pu se poursuivre. En effet, à 14 ans, Nacéra ne pouvait continuer à supporter le contact des mains et les gestes de son père qui venait, chaque soir, s'allonger à côté d'elle. Tout comme il le faisait souvent avec ses deux sœurs, Aïcha et Souad, âgées respectivement de 17 et 11 ans. Nacéra, n'en pouvant plus, décide de fuguer du domicile familial. Elle erre toute la journée et, à la tombée de la nuit, elle frappe à la porte de la maison de sa tante. Ne comprenant pas son geste, celle-ci tente de la raisonner pour la ramener à la maison. Nacéra refuse. La tante insiste, mais la jeune fille éclate alors en sanglots. Sa parole se libère. Elle raconte l'horreur qu'elle vit depuis des années au sein de sa famille. Chaque jour que Dieu fait, elle maudit l'instant où son père a quitté la prison après une détention de dix ans. Avec des détails choquants, elle explique à sa tante comment ce père a brisé son innocence d'enfant. Sidérée par le témoignage de l'adolescente, la tante l'emmène chez un gynécologue ; le certificat qu'il lui délivre fait état d'abus sexuels et de défloration. Un choc pour la tante. La main de Nacéra dans la sienne, elle va porter plainte auprès de la brigade de Gendarmerie nationale, qui l'oriente vers la brigade des mineurs. Durant des heures, un psychologue tente d'extirper la douleur enfouie de Nacéra. Elle n'est pas la seule à vivre ce cauchemar. Nacéra parle de ses deux sœurs, elles aussi victimes d'abus sexuels. Les gendarmes convoquent d'abord Aïcha, 17 ans. Au début, elle nie en bloc mais, après de longues discussions avec le psychologue de la brigade des mineurs, elle se confie. Depuis trois ans, à chaque fois qu'elle est à la maison avec son père, ce dernier abuse de son corps frêle. La visite chez le gynécologue fait ressortir des traces de violence sexuelle et une perforation de l'hymen. Aïcha est terriblement affectée. Elle culpabilise, puis explique son silence par la peur du scandale et du qu'en-dira-t-on au sein de la famille. Cette même famille qui ne l'a pas protégée de son père. Dans la discrétion la plus totale, Souad, la plus jeune des filles, âgée d'à peine 11 ans, est entendue par les gendarmes. Elle aussi a subi les mêmes supplices. Les certificats du gynécologue et du médecin légiste le confirment. Depuis peu, Souad est devenue la préférée de son père. Il lui donne son bain, l'habille et joue avec elle, mais de façon très suspecte. Souad porte encore les traces de sévices sexuels. Et la maman dans toute cette horreur ? Après avoir nié les déclarations de ses trois filles, elle reconnaît néanmoins avoir failli. Elle soupçonnait son mari, mais n'osait en parler. Elle avait tellement peur de lui… Selon ses dires, à chaque fois qu'elle lui faisait des remarques sur ses virées nocturnes chez les petites, il la battait. Il était violent et n'acceptait pas les sous-entendus. Mais en se taisant, cette maman a brisé la vie de ses trois filles. Elle risque gros, vu qu'elle était au courant et n'a rien fait. Le père, quant à lui, nie tout en bloc. Il dit qu'il aime tellement ses filles qu'il passe tout son temps avec elles, y compris la nuit. Il leur fait prendre leur bain, les habille et les aide à se coucher. Aujourd'hui, il sera présenté au parquet de Chéraga, près la cour de Blida. Soulagées, Aïcha, Nacéra et Souad vont pouvoir dormir sans être terrorisées à l'idée que leur père entre dans leur chambre. Elles devront néanmoins supporter lourdement le poids de toutes ces années de souffrance et de désastre qui a affecté leur psychique.