L'affaire du touriste algérien arrêté à Khajuraho prend une tournure dramatique après sa condamnation à un an de prison ferme. Redouane Nehar restera donc dans la prison de Chhattarpur (centre du pays), en attendant l'issue de l'appel présenté par l'avocat nommé par l'ambassade d'Algérie à New Delhi. C'est un homme anéanti et très amaigri que nous avons rencontré. Un jeune brillant, tout à fait étranger aux méandres de la justice et encore moins à celles des centres pénitenciers», nous confie le responsable des affaires consulaires de l'ambassade d'Algérie à Delhi, qui a rendu visite au détenu à la prison de Chhattarpur, où ce dernier partage une cellule non climatisée (le thermomètre frôle les 48°C) avec 40 autres détenus. Redouane, plus connu de ses amis sous le surnom de Redo, ingénieur en informatique, est également bassiste du célèbre groupe de musique rock les Abranis. L'optimisme de l'avocat nommé par l'agence de voyages pour assister le malheureux touriste algérois, arrêté à l'aéroport de Khajuraho (Etat du Madhya Pradesh) alors qu'il s'apprêtait à embarquer pour la ville de Varanasi, a viré au pessimisme le plus noir après que le juge du tribunal civil de première instance de Khajuraho, Mahesh Kumar Jha, ait frappé fort, mardi dernier, avec une sentence inattendue. Un an de prison ferme. «Le jeune Algérien n'aurait jamais dû être déféré au parquet et encore moins incarcéré», nous explique un juriste indien qui préfère garder l'anonymat. Selon lui, le motif invoqué par la police pour son arrestation et mentionné dans le procès-verbal, comme suit, «il n'a pas su expliquer la provenance de la balle pleine décelée dans ses bagages à l'examen au scanner», ne justifie pas le grave chef d'inculpation retenu contre lui par le juge : «Détention illégale de matériel belliqueux.» Policiers zélés L'ambassadeur d'Algérie à New Delhi, Mohammed-Hacène Echarif, a décidé de confier l'affaire à un avocat plus chevronné, tout en multipliant les contacts diplomatiques avec de hauts responsables du gouvernement central et de celui fédéral du Madhya Pradesh, administré par la droite antimusulmane. Avec une balle unique, sans aucune arme, Redouane Nehar, 32 ans, représentait-il un potentiel danger terroriste ? Séjournant avec des amis dans le cadre d'un voyage organisé par un tour opérateur indien, pouvait-il être confondu avec un cerveau machiavélique en mal d'attentats sanglants ? «Il est clair que la police de l'aéroport de Khajuraho, d'abord, et le juge Kumar Jha ensuite se sont montrés très sévères, pour ne pas dire zélés», ajoute notre interlocuteur. Pourtant, lors d'une affaire similaire, les autorités indiennes s'étaient comportées différemment. En 2010, trois Italiens ont été arrêtés par la police, car dans la chambre d'hôtel de Delhi, qu'ils venaient de quitter, deux chargeurs et 24 balles pleines avaient été trouvés dissimulés dans le climatiseur. N'ayant pu établir un lien direct entre ces derniers et les munitions, les Italiens ont été relâchés après quelques jours de garde à vue. Pour tirer d'affaire Redouane et comme dernier recours, le gouvernement algérien pourrait, bien qu'une convention bilatérale d'extradition ne lie pas encore les deux pays, réclamer par les canaux diplomatiques l'extradition de ce dernier qui risque de laisser sa santé mentale et physique dans les prisons indiennes.