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Inde : un touriste algérien se retrouve en prison !
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Publié dans El Watan le 18 - 05 - 2012

Le voyage de rêve tant attendu s'est transformé en un cauchemar oppressant pour deux couples d'Algériens. A cause de ce qui semble être une légèreté lourde de conséquences, l'un d'eux est détenu dans la prison de Khajuraho (centre de l'Inde) en attente de jugement.
De notre correspondante
à New Delhi
Depuis son arrestation le 11 mai, Redouane Nehar, 32 ans, ingénieur en informatique, originaire d'Alger, est escorté quotidiennement par la police pénitentiaire de Chhatarpur jusqu'au siège du tribunal de Khajuraho, qui se trouve à 45 km. Le mercredi 16 mai, son avocat, désigné par l'agence de voyages, tente de le faire libérer, au moins en attendant le procès. Selon lui, le touriste encourt, dans le meilleur des cas, une forte amende et l'expulsion du territoire indien. Mais la cour a rejeté la demande de liberté provisoire, car le procureur a exigé que l'avocat démontre que son client ne constitue pas une menace pour la sécurité et qu'il ne compte pas se dérober au jugement.
Déboutée, la défense compte renouveler sa requête dans les prochains jours. Très déçu, Redouane retrouve sa cellule, et son ami, qui est resté à Khajuraho pour l'assister, sa chambre à l'hôtel Siddharth. Avec sa compagne et un couple d'amis, Redouane s'était rendu en Inde dans le cadre d'un voyage exotique organisé par un tour-opérateur indien, Caper Travel Company. La tournée, qui devait se terminer le 16 mai, comprend neuf nuits féériques à travers les villes de Delhi, Agra, Jaipur, Khajuraho et Varanasi. Khajuraho représente la deuxième attraction touristique en Inde après le Taj Mahal, grâce à ses temples classés patrimoine mondial de l'Unesco.
Véritable merveille artistique avec leurs sculptures représentant des scènes érotiques inspirées du Kamasoutra, ces monuments attirent des millions de touristes chaque année. C'est en quittant la ville de Khajuraho (Etat du Madhya Pradesh), que le groupe a été interpellé par la police de contrôle de l'aéroport. Le scanner à bagages a révélé que l'un d'eux contenait un article strictement interdit sur les vols. Une balle pleine. Interrogé sur la provenance de ce souvenir insolite, le propriétaire du sac de voyage «n'a pas su donner des explications convaincantes», selon ce que le chef de la police locale, M. K. Khamparia, a déclaré à une agence de presse indienne.
Plus tard, l'épouse du malheureux «fétichiste» racontera aux services consulaires algériens à Delhi que la balle aurait été trouvée par les touristes aux abords de leur hôtel à Jaipur (Rajasthan). Et il semblerait que Redouane ait voulu la conserver malgré l'opposition des autres membres du groupe. Un geste inconscient et incompréhensible par les temps qui courent, surtout en Inde où les contrôles sécuritaires sont très méticuleux, car le pays est engagé dans une lutte sans merci contre le terrorisme, et le conflit au Cachemire et les rapports tendus avec le voisin pakistanais ajoutent à la suspicion générale qui frise parfois la paranoïa.
Dessous de table
En Inde, pays qui croule sous le poids d'une bureaucratie asphyxiante, il vaut mieux ne pas avoir affaire aux forces de l'ordre et à la justice. Gangrénés par la corruption, ces deux secteurs de l'administration accusent des dérapages et des lourdeurs impressionnants. Bien que les magistrats indiens, formés par l'école anglaise, soient connus pour leur impartialité et compétence, il n'est pas rare que des cas de corruption éclatent au grand jour. Selon une étude de l'organisation Transparency International, les Indiens déboursent jusqu'à 5 millions d'euros par an en dessous de table, versés entre autres à des policiers, des avocats, des employés des tribunaux et dans une moindre mesure à des juges. Alertée par les deux compagnes des voyageurs algériens, qui sont rentrées depuis respectivement en Algérie et en France (l'autre touriste étant résidente dans l'Hexagone), l'ambassade d'Algérie de New Delhi suit l'affaire de près et aujourd'hui un représentant du service des affaires consulaires se rendra à Khajuraho pour rencontrer le détenu et s'enquérir de son état de santé. Son ami, qui est resté en Inde pour l'assister, affirme qu'il se trouve en état de choc et ne réalise pas ce qui lui arrive.
Du rêve au cauchemar kafkaïen
Cet universitaire qui n'a jamais eu maille à partir avec la justice est contraint de vivre avec des détenus de droit commun avec qui il ne partage ni la langue ni la culture… Cette situation kafkaïenne rappelle celle de trois Italiens arrêtés en mai 2010, à Delhi, car dans la chambre d'hôtel qu'ils venaient de quitter, une vingtaine de balles et deux chargeurs avaient été trouvés dissimulés dans le climatiseur. N'ayant pu prouver un lien certain entre eux et les munitions, ils avaient été relâchés au bout d'une semaine, après intervention du consulat italien. Mais des milliers d'étrangers n'ont pas eu cette chance et dépérissent dans les prisons indiennes, des lieux surpeuplés et aux conditions de vie insoutenables. Ils peuvent y passer des années avant d'être jugés pour des délits allant de la consommation ou de transport de stupéfiants, à l'homicide et même au séjour illégal sur le territoire indien.
L'Inde étant une union d'Etats fédéraux, chaque commissariat, chaque tribunal rédige ses documents dans l'un des dizaines de dialectes locaux. Pour aider un parent incarcéré, les familles de touristes se ruinent en payant interprètes, avocats et des dizaines d'intermédiaires, sans compter les frais d'un long séjour en Inde.


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