Avec la disparition d'Ahmed Khelifi, le 25 mai 2012 à l'âge de 83 ans, le football algérien, en général, et l'arbitrage, en particulier, ont perdu un homme d'envergure qui a voué sa vie au premier et au second. Il est parti sans faire de bruit. Fatigué et malade, il s'est petit à petit retiré du monde qui faisait sa vie. Les dernières personnes qui l'ont approché au crépuscule de sa vie disent qu'il continuait à s'informer sur la situation de l'arbitrage auquel il a consacré sa vie. Dans son ouvrage L'arbitrage à travers les caractères du football, publié en 1990, à la question «pour qui et pourquoi cet ouvrage ?», il répondait : «Ce n'est pas l'arbitrage qui forge le destin de l'arbitre, c'est le referee lucide qui trace la ligne de conduite de sa carrière en envisageant le but à atteindre, si longues et difficiles que peuvent être les étapes.» Les arbitres, toutes générations confondues, buvaient ses paroles et conseils qu'il prodiguait sans relâche. L'autre monument du football algérien, Smaïl Khabatou, à qui avait échu l'insigne honneur de préfacer le livre de Ahmed Khelifi a écrit : «En dehors du fait qu'il (le livre) présente les dix-sept lois du jeu agrémentées d'exemples, il développe également deux thèmes importants : l'arbitrage c'est le football, le football c'est l'arbitrage.» Lorsqu'il évoque sa naissance dans La Casbah, il écrit : «C'est au cœur de ce majestueux panorama de ma vieille et chaleureuse Casbah qui étend ses magnifiques terrasses blanches superposées les unes sur les autres pour mieux dominer la plus magnifique baie du monde que j'ai vu le jour par un hiver rigoureux à l'aube du 8 janvier 1929, dans une Chorfa (grande pièce) sombre que n'a jamais percée un rayon de soleil » Il commence à «fréquenter» le football dès l'âge de 12 ans en signant une licence minime. La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) a mis entre parenthèses sa carrière de joueur. C'est en 1947 qu'il s'oriente vers l'arbitrage. En 1951, il est le plus jeune arbitre interrégional. En 1956, il cesse toute activité sportive, à l'instar de l'ensemble des clubs et sportifs algériens. A l'indépendance, il décroche le grade d'arbitre international (1963). En 1975, il décroche la distinction spéciale de la FIFA. Au cours de la même année, il met un terme à sa carrière d'arbitre international à l'occasion de la finale de la Coupe d'Algérie 1975, qui a mis aux prises le MC Oran avec le MO Constantine au stade du 5 Juillet. Que de chemin a parcouru cet enfant de La Casbah ! Les anciens qui sont encore en vie se souviennent de ce mémorable jour de l'an 1963, lorsque ont été réunis les arbitres algériens à l'occasion du premier séminaire organisé par la FIFA à Alger en présence du président de la FIFA, l'Anglais Sir Stanley Rous. A l'époque, la première génération d'arbitres était constituée d'hommes de devoir qui allaient jeter les bases de l'arbitrage algérien et avaient pour noms, Benghanif, Chekaïmi, Mohamdi, Derradji, Belkessa, Benzelat, Boubari, Benyeles, Chlha, Khelifi et bien d'autres. Comme beaucoup de ses collègues, Ahmed Khelifi était fonctionnaire aux postes et télécommunications où il a fini sa carrière professionnelle avec le grade d'inspecteur principal. Son palmarès demeure inégalable jusqu'à ce jour, avec 56 matches internationaux, à l'époque il n'y avait pas autant de matches, il a dirigé deux finales de la Coupe d'Afrique, une finale aux Jeux africains, cinq (5) finales de Coupe d'Algérie, deux finales de la défunte Coupe du Maghreb, une finale de Coupe de la Palestine .. C'est cet homme que ses proches et amis ont accompagné à sa dernière demeure au cimetière d'El Alia où il repose depuis vendredi. Le football et l'arbitrage algérien se souviendront qu'il a été à la base de l'éclosion de magnifiques générations d'arbitres qui ont honoré l'arbitrage et qui avaient pour noms, entre autres, feu Hamid Bendjahane, Mohamed Hansal, Belaïd Lacarne, Mustapha Mameri,, Abderrahmane Bergui, Rachid Medjiba …. Avec la disparition de Khelifi Ahmed, l'arbitrage algérien tourne une page glorieuse de son histoire. Il gardera, pour toujours, une place prépondérante dans la légende du corps arbitral. Avec son départ, pour toujours, l'arbitrage algérien a perdu un vrai monument. Adieu grand monsieur.