Avec la publication au Journal officiel n° 02 du décret n°06-05 du 09 janvier 2006 fixant la forme, le modèle et le contenu ainsi que l'accusé de réception de la déclaration de soupçon, on peut affirmer que la lutte contre le blanchiment d'argent en Algérie entre dans sa phase active. En effet, le cadre légal de la lutte anti-blanchiment reposait sur la déclaration de soupçon et en l'absence du modèle et de la forme de ce document de base qui vient d'être décliné, le système ne pouvait pas fonctionner. Maintenant, c'est chose faite. Plus encore, la mesure relative au règlement obligatoire par instrument de paiement de toute transaction excédant 50 000 DA qui entrera en vigueur à partir de septembre 2006 renforcera l'étau qui se resserre petit à petit contre la criminalité financière. Dans les prochains mois, les événements vont se précipiter du côté des banques et des autres assujettis (notaires, avocats, assurances...) impliqués dans la lutte anti-blanchiment. La mise en route effective des systèmes de paiement de gros montant et de masse n'offrent plus d'alibis aux " adeptes " du liquide. Longtemps occulté chez nous en l'absence d'assise légale, le phénomène de l'argent sale dont personne ne connaît ni l'ampleur ni les dégâts qu'il a causés ou qu'il peut causer au système bancaire et au pays va certainement révéler sa mesure ne serait-ce qu'approximativement, et l'on connaîtra alors l'étendue du désastre et la nature des réseaux des mafias du crime qui se sont constitués à la faveur de la libéralisation de l'économie et de la décennie noire. Les banques étant placées au cœur du dispositif de lutte contre le blanchiment de l'argent en raison de leur exposition à ce phénomène, elles s'organisent en conséquence pour gérer au mieux le dispositif préconisé par la loi anti-blanchiment. Il faut convenir que la profession bancaire n'a pas attendu la duplication des textes pour se préparer à combattre l'hydre. Un programme de formation et de sensibilisation a été initié en direction des banquiers pour leur inculquer cette nouvelle culture en les dotant de toutes les connaissances sur le sujet. Cela est-il suffisant pour faire naître chez les gardiens de l'argent propre les réflexes de vigilance ? Assurément non, parce que si la vigilance est déjà une prise de conscience professionnelle sur les méfaits du blanchiment, il faut pour qu'elle soit réellement et utilement productive qu'elle s'inscrive dans un cadre strictement légal et responsable. C'est là toute la difficulté de l'exercice. Parce que d'un côté, il est demandé au banquier de déclarer son soupçon chaque fois qu'il y a un doute et, d'un autre côté, s'il ne le fait pas, il sera sanctionné. La crainte est donc de voir le soupçon s'ériger en mode dominant de la relation banque - client, ce qui n'est pas à l'avantage des banques parce que le commercial se trouverait négativement affecté. On peut d'ores et déjà considérer que cette inquiétude présente un risque faible en raison de la préoccupation des banques de capter le maximum de bons clients et les bons clients ne sont pas forcément tous mis en doute. La déclaration de soupçon ne va pas emprunter un raccourci mécanique et se généraliser à toute entrée en relation avec un banquier, elle va suivre un séquentiel pertinent qui passera par plusieurs phases jusqu'à aboutir à la décision de déclarer le soupçon ou non. C'est dire l'urgence des garde-fous à mettre en œuvre à toutes les étapes pour s'assurer du respect des libertés individuelles et de la déontologie. C'est là où tout va se jouer pour crédibiliser l'action des banques dans la lutte contre le blanchiment afin de se protéger contre tous les risques à commencer par le risque d'intégrité, le risque d'image et le risque de réputation. Le déontologie dans cette première étape de la lutte anti-blanchiment devient incontournable, ce qui suppose l'existence de règles de déontologie ou un code de conduite dans les banques. Cet aspect est important pour éviter les dérives des uns et des autres. Plus tard, la nécessité de travailler sur la conformité se fera certainement ressentir et on aura besoin alors de véritables experts en la matière. S'il est vrai que la lutte contre le blanchiment d'argent est une mission de sécurité publique, il est tout aussi vrai que pour les banques, elle est une mission de prévention et de renseignement parce que c'est par là que tout transite. On imagine mal des camions remplis d'argent sale circuler d'une place à une autre. Le dispositif mis en place est conçu de manière à dissuader les " blanchisseurs " à utiliser les circuits financiers pour blanchir l'argent mal acquis. Dans ce domaine, il est peut être trop tôt pour apprécier l'efficacité du système de lutte anti-blanchiment dans les banques, parce que le phénomène est nouveau pour tout le monde même si chacun d'entre nous s'alimente de rumeurs ou de faits invérifiables. L'efficacité du dispositif reposerait en dernière analyse sur la coopération entre tous les acteurs impliqués dans la lutte contre le blanchiment.