Malgré l'adoption d'une loi relative à la lutte contre le blanchiment d'argent, le problème de l'application des textes se pose toujours. C'est dans ce contexte qu'un séminaire de formation sur la lutte contre le blanchiment d'argent s'est ouvert, hier à l'Ecole supérieure de la magistrature d'Alger, au profit de 25 magistrats algériens. Charles Duchaine, vice-président en charge de l'instruction et Marc Rivet, vice-procureur près le tribunal de Marseille, animateurs de ce séminaire, qui sont venus "en qualité de magistrats opérationnels" présenter l'expérience francaise dans le lutte contre le blanchiment d'argent, ont d'ailleurs estimé que la France est en train de développer une réflexion qui est en voie d'achèvement pour lutter contre le blanchiment d'argent, estimant que les textes existants ne suffisent pas sans les moyens logistiques pour les appliquer. L'argent produit au moyen d'infractions doit être retiré à son détenteur, a expliqué Me Rivet, ajoutant que c'est une démarche "redoutablement efficace" pour freiner et lutter contre ce phénomène. Il a aussi estimé que le blanchiment d'argent est "l'aboutissement du processus criminel organisé qui rationalise le crime en lui donnant une dimension économique particulièrement cohérentes, de même qu'il comporte un risque évident d'infiltration des milieux criminels dans les activités économiques et dans la vie publique". La France a, depuis deux ans, appliqué une démarche que Me Rivet a appelée "mécanisme de vigilance", qui associe différentes parties, notamment les banques et "les professionnels du chiffre, du droit et du placement", pour permettre de détecter les opérations qui peuvent être frauduleuses. En effet, il a expliqué que la législation francaise "oblige" le banquier à relever toute opération suspecte, soulignant toutefois que c'est une démarche à caractère obligatoire mais qui n'est pas sanctionnée. "Nous voulons faire gagner du temps à l'Algérie en présentant notre expérience sur le terrain, les insuffisances de nos textes, les difficultés rencontrées lors de leur application et leurs failles, puisque la France a plus d'expérience dans l'application des lois de lutte contre le blanchiment d'argent", ont souligné les deux magistrats. Si Me Rivet a dit que la législation algérienne en matière de lutte contre le blanchiment d'argent "est différente de l'actuelle législation francaise, mais très proche de celle d'il y a dix ans", Duchaine a, quant à lui, estimé qu'elle est "conforme aux normes et exigences internationales". Pour Duchaine, la législation algérienne de lutte contre le blanchiment d'argent "a le mérite d'être plus claire" et "plus facile à lire et moins encombrée", ajoutant que la définition du code algérien du blanchiment d'argent "correspond à la définition de la convention de l'ONU de décembre 2000". Il serait utile de noter que ce séminaire qui s'étalera sur trois jour entre dans le cadre d'un cycle de formation annuelle pris en charge par l'Institut national de la magistrature touchant à plusieurs thèmes, celui de cette fois concerne un phénomène qui connaît une extension aussi bien en Algérie qu'a l'étranger. Pour rappel, et dans le cadre des réformes engagées dans les systèmes judiciaire et financier, le gouvernement a élaboré une loi relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ce texte vient en application de la Convention de 2000 des Nations unies contre le crime transnational organisé, dite Convention de Palerme, ratifiée par l'Algérie le 9 novembre 2003. Les dispositions de cette loi sont considérées comme révolutionnaires par les spécialistes de cette lutte. Tout paiement excédant un seuil réglementaire doit être effectué par voie bancaire. Le gouvernement ayant fixé le seuil légal à 50 000 dinars. Il s'agit aussi de la mise en place d'une cellule de renseignement financier. Celle-ci est chargée de collecter et traiter les informations afin de lutter contre le blanchiment d'argent. L'article 16 de cette loi stipule que "l'organe spécialisé est chargé d'analyser et traiter les informations que lui communiquent les autorités habilitées et les déclarations de soupçon auxquelles sont assujettis les personnes et organismes mentionnés à l'article 19. Les informations communiquées à l'organe spécialisé sont confidentielles, elles ne peuvent être utilisées à d'autres fins que celles prévues par la présente loi". Pour rappel, en 2005, le Conseil de gouvernement a examiné et adopté un décret exécutif fixant la forme, le modèle, le contenu ainsi que l'accusé de réception de la déclaration de soupçon, présenté par le ministre des Finances. Pris en application des dispositions de la loi de février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent, le décret exécutif vise à préciser les modalités d'établissement de la déclaration de soupçon à laquelle sont tenues toutes personnes physiques ou morales qui seraient amenées à douter de la légalité de l'origine ou de la destination de fonds manipulés. La déclaration de soupçon est, ainsi, rendue obligatoire, y compris dans le cas où il a été impossible de surseoir à l'exécution des opérations concernées ou postérieurement à leur réalisation.