- Vous accusez vertement la direction du parti de compromission avec des cercles du pouvoir et que le FFS est dirigé par des cercles extérieurs. Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Je tiens à préciser avant tout que je ne suis pas un aventurier politique. La situation du pays est suffisamment préoccupante pour se défaire d'une attitude responsable. J'ai conscience que pour éloigner les menaces qui pèsent sur la cohésion sociale, un compromis politique est une nécessité historique. Mais un compromis suppose une révision déchirante de la part du pouvoir, qui devait se matérialiser dans les actes par des décisions politiques fortes telles que la libération du champ médiatique et politique, le rétablissement des libertés fondamentales, l'abrogation des dispositifs législatifs répressifs. Or, le coup de force politique du 10 mai, pour ceux qui en doutaient, est une réponse claire à tous ceux qui voulaient donner une chance au changement démocratique en participant à ce scrutin. C'est en tout cas le sens que j'ai donné à mon engagement en tant que candidat. Or, il se trouve qu'un quarteron de responsables, au sein et en dehors de la direction du FFS, avait d'autres motivations et c'est durant la campagne électorale que j'ai découvert que l'appareil instrumentalisé par ce quarteron avait concocté un «deal» avec des cercles du pouvoir. Pour illustrer mes propos, j'ai fait part au secrétariat national, avant le 10 mai, des graves dépassements de la part de l'administration ; pour seule réponse, j'ai eu droit à un suspect : «Tu nous perturbes !» Je tiens à ajouter que contrairement à ce que la direction laisse entendre, je n'ai pas attendu le lendemain de l'«élection» pour dénoncer la fraude et j'ai refusé de participer, malgré l'insistance pour introduire un recours, aux marchandages de maquignons auxquels s'est livrée la direction et qui ont abouti à accorder sept sièges de plus. - A quels desseins obéit cette stratégie ? A une recomposition autoritaire du «champ politique» avec la caution du plus ancien et du plus crédible des partis de l'opposition démocratique. L'intégration du FFS dans les appareils du pouvoir vise à se débarrasser d'un parti encombrant qui a réussi à surmonter toutes les tentatives de normalisation et à préserver son autonomie de décision. Le coup de force politique du 10 mai est le point de départ des grandes manœuvres dans la perspective de la succession de Bouteflika. Les tenants du pouvoir veulent, en inscrivant l'appareil du FFS dans les jeux de sérail, éviter tout risque politique de nature à perturber une nouvelle alternance clanique. - A la question de savoir si le FFS allait intégrer le gouvernement, le premier secrétaire du parti, Ali Laskri, dit clairement ne pas fermer la porte et que «la participation est à mettre en corrélation avec des mesures politiques». Quel commentaire faites-vous ? De quelles mesures politiques s'agit-il ? Pourquoi n'avoir pas exigé, en contrepartie de la participation aux législatives, l'ouverture des médias, l'abrogation des lois scélérates ? Qu'est-ce qui a été négocié en contrepartie d'une participation au pouvoir ? C'est l'omerta totale ! Cette direction est empêtrée dans un accord secret qu'ils ont du mal à justifier auprès des militants et de l'opinion. C'est une preuve supplémentaire que ce que j'avance est fondé. Les négociations actuelles sur les ministères à attribuer au FFS peuvent ne pas aboutir et être différées en raison de l'ampleur de la contestation politique au sein de la base militante. Je dis simplement à la direction actuelle d'assumer publiquement, et en toute transparence, ce changement de cap stratégique et de ne pas se perdre en stupides conjectures. - Que préconisez-vous ? Organiser une conférence des cadres et des militants du FFS pour faire une évaluation politique et organique et définir une stratégie politique, conformément aux idéaux pour lesquels des centaines de militants se sont sacrifiés. C'est une urgence politique. Il est du devoir de tout militant et de tout responsable, ancien ou nouveau, exclu ou non, qui sont restés fidèles au idéaux et aux valeurs du FFS, de transcender les divergences secondaires et d'agir pour préserver notre parti et le réinscrire dans une stratégie de rupture radicale et pacifique avec le système.