Mohamed-Chérif Zerguine est l'auteur de deux ouvrages, Pupille de l'Etat, la peur de l'inconnu, et Nés sous X, dans le monde arabo-musulman. Il mène, depuis de longues années, un combat pour que les enfants nés hors mariage puissent jouir des mêmes droits que les autres, qu'ils aient un statut honorable, et que cesse enfin l'insupportable stigmatisation. Que préconise-t-il à ce propos ? - Qu'en est-il de ce combat pour les enfants abandonnés qui est aujourd'hui une valeur intrinsèque pour vous ?
Je revendique toujours, et solennellement, le déclenchement d'un véritable plan d'urgence à l'endroit de l'enfant en situation vulnérable, ce futur citoyen de demain. Il est grand temps de rassembler, structurer et renforcer les textes dans un code de l'enfance, et par voie de conséquence, ériger un tribunal pour enfants.
- Quel est, selon vous, ce plan d'urgence ?
Il faut créer davantage de structures d'accueil spécialisées, et séparer les enfants privés de famille, des délinquants, très souvent placés dans le même centre. Il faut réformer les services sociaux des collectivités locales, actuellement vides de sens, promouvoir la profession d'assistante sociale, renforcer son rôle et en former davantage, et introduire la convention des droits de l'enfant dans les programmes scolaires et universitaires.
- Quelles sont d'après vous les lacunes, voire les incohérences juridiques afférentes à ce dossier dans notre pays ?
Concernant la Kafala et le décret de 1992, portant concordance de nom, j'ai amèrement constaté que quelques associations plaident et revendiquent avec le soutien de certaines ONG douteuses l'octroi à l'enfant du nom du kafil (adoptant), et son insertion dans le livret de famille. Au-delà du caractère usurpateur de l'histoire de l'enfant innocent, je condamne ces agissements qui mènent vers l'adoption plénière, prohibée par l'islam et par les lois de la République. La Kafala doit se faire en conformité avec l'appartenance de l'enfant, en tenant compte en priorité absolue, de l'intérêt de celui-ci. Il serait plus pratique d'insérer une nouvelle page dans le livret de famille intitulé «kafil-mekfoul» (adoptant-adopté) pour y transcrire le nom concordant de l'enfant mekfoul, ça évitera à ce dernier de quérir l'humiliante attestation de naissance délivrée par la DAS, qui tient lieu d'acte de naissance original. Et à ce propos, je pense que le dossier de l'enfance n'a rien à faire au sein de la Solidarité nationale; il serait plus bénéfique pour toute la nation algérienne de créer une institution à part entière, exclusivement consacrée à l'enfance sous la tutelle de la présidence de la République. Il y a aussi cette discrimination intolérable entre l'enfant issu d'une union légale et celui privé de famille; il faut l'éradiquer; il faut abolir le concept des naissances sous X, qui est un héritage de l'empire colonial, et d'ailleurs prohibé par l'islam. L'organisation de l'abandon de l'enfant doit tenir compte de l'état psychologique de la mère biologique, qu'on doit inciter à garder son bébé, tel que souhaité par le Prophète dans le hadith d'El Ghamidia.
- Vous militez aussi pour que soit prouvée la filiation par le test ADN ?
Cette mesure fera non seulement justice à l'enfant, mais imposera de surcroît à beaucoup de réfléchir à deux fois avant de commettre l'acte illégitime et de s'évanouir ensuite dans la nature.