Sur le plan géographique, le Sahel définit la bande de territoires marquant la transition végétale et climatique entre le domaine saharien au nord et les savanes du domaine soudanais (Afrique noire) au sud, où les pluies sont substantielles. D'est en ouest, il s'étend de la mer rouge à l'Atlantique. Du nord au sud, on distingue un Sahel septentrional et un Sahel méridional. Balayé sans cesse par des vents puissants, le Sahel est surtout une région en proie à la sécheresse et à une désertification continue qui ont pour conséquence une famine endémique. Toutefois, l'importance des fleuves au cœur du Sahel ou le traversant (les fleuves Sénégal, Niger, Logone-Chari, Nil blanc, Nil bleu) et des grands lacs (Lac Tchad, Lac Turkana) auxquels s'ajoute l'énorme delta intérieur du fleuve Niger qui inonde 20 000 km2 chaque année devraient autoriser l'optimisme. Des améliorations même circonscrites, toutefois significatives, ont été constatées au Burkina Faso et au Niger. La géographie révèle donc un sud plutôt irrigué (Sahel méridional) dont le sous-sol recèle des richesses minières appréciables qui tranche avec un nord sec, désertique. L'histoire ajoute que tous ces pays ont connu les affres du colonialisme et que les différences de races et/ou de confession ont nourri l'esprit séparatiste des minorités. Ainsi se dégagent des disparités entre le Nord et le Sud de ces pays du point de vue climatique, richesses fossiles, religieux, racial et linguistique. Les limitations des espaces traditionnels de transhumance exacerbent, chez les nomades, le sentiment d'injustice ou de trahison imputée à l'ancienne force coloniale et le sentiment ancestral de rejet de l'autre alimente encore l'animosité des populations. Dans les pays du Sahel l'exclusion et le rejet, souvent exprimés par des guerres nord-sud, sont chroniques. Ainsi, nous le constatons au Soudan : nord musulman et sud chrétien et qui a fini par se scinder en deux, la ressemblance des situations au Tchad, au Niger et au Mali est évidente tant sur le plan de la répartition des populations que celle des richesses, le sud mieux nanti que le nord. Ces clivages et ces différences régionales et ethniques peuvent-ils à eux seuls entretenir cette instabilité chronique ? Les pays du Sahel portent-ils en leur sein les germes de leurs implosions ? De manière générale, les guerres civiles qui secouent ces pays opposent les populations Sud indépendantistes à celles du Nord relativement pauvre ; cas du Soudan et du Tchad. Au Niger, les mouvements armés revendiquent plutôt une meilleure intégration et s'opposent à toute partition du pays contrairement à leurs cousins au Mali où les mouvements se sont radicalisés pour exiger l'indépendance du nord par rapport à Bamako. Dur constat de situations où les difficultés de survie s'expriment périodiquement sans parvenir à changer les approches de recherches de solution durable. Les mouvements armés touareg chez nos voisins du sud auront mis les pouvoirs dos au mur par leur acceptation, à travers des médiateurs, «des plans de paix» successifs dont la réalisation est en deçà des espoirs suscités. Cherchent-ils à “mettre à nu” l'incapacité des pouvoirs en place à intégrer leurs populations ? Ou cherchent-ils à prouver l'insuffisance du potentiel économique pour répondre au besoin minimal de survie ? Une première réponse est exprimée sur les colonnes d'El Watan du 25 avril 2012, par Abdelkrim Ag Tayyeb, chef des cinq régions de l'Azawad : «Nous ne voulons plus rééditer les accords signés à l'issue des rebellions des années 1960, 1990 et 2000 (…). L'appel est lancé aux pays qui ont de l'influence sur la région». Quelle que soit la question, quelle serait la suite d'une telle démarche, ou quel serait le développement de tels événements ? Les pays du champ, mobilisés dans la lutte contre les filières de trafics transfrontaliers, le banditisme et le terrorisme semblent découvrir les limites de leurs moyens ou manquer d'efficacité. Le foisonnement de groupes armés au nord du Mali, les uns à caractère religieux, Ançar eddine, Aqmi, Mujao, d'autres laïcs, indépendantistes le MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad), auquel s'oppose le MRRA (Mouvement républicain pour la restauration de l'Azawad), mobilisé pour sauver l'intégrité du Mali, le tout dans une ambiance d'anarchie totale générée par l'absence de l'Etat, rappelle certaines étapes traversées par l'Afghanistan auparavant. Chronologie des événements Depuis l'avènement des indépendances en 1960, le Mali et le Niger s'inscrivent parmi les pays instables. En effet, dès 1963, au Mali, les populations du nord se soulèvent pour revendiquer une meilleure prise en charge de leurs problèmes de développement. Les deux régimes qui se sont succédé depuis 1960, ceux de Modibo Keita et de Moussa Traoré au Mali, ont occulté le problème, répondant par la répression. A cette époque, une délégation fut envoyée par le MPA en Algérie pour solliciter l'aide du gouvernement algérien. Elle fut éconduite manu militari. Les sécheresses des années 70 et 80 vont aggraver l'état des populations du nord. Les jeunes quittent le pays à la recherche d'un avenir. Ils seront pris en charge en Libye, où ils seront entraînés et armés avant de rejoindre leurs pays. A partir des années 1980, période durant laquelle El Gueddafi décida de déstabiliser le Sahel, le nord-Mali et le nord-Niger ne vont plus connaître la paix et leurs populations vont devoir chercher refuge auprès des pays voisins, particulièrement l'Algérie, le Burkina Faso et la Libye. En répondant à chaque cri de détresse par la répression, les gouvernements vont radicaliser la contestation qui s'exprimera désormais par des mouvements armés, qui vont se multiplier ou changer de sigles, sans jamais se dissoudre, pendant que les revendications évoluent vers la désintégration de la sous-région. C'est ainsi qu'en 1985 le Front de libération de l'Aïr et de l'azawak (FLAA) de Ghissa Ag Boula frappait à Tchin-Tabaradène au Niger. Cette attaque se répètera 5 ans plus tard contre cette localité. En 1990, Iyad Ag Ghali, chef du Mouvement populaire pour la libération de l'Azawad (MPLA) au Mali déclencha la rébellion armée, en menant des attaques sur Menaka et Tidermène. A la même année et sur initiative de l'Algérie, les chefs d'Etat malien, nigérien, algérien, et le colonel El Gueddafi se réunirent à Djanet pour examiner les revendications de cette population qui rejeta, en 1958, la proposition de la puissance coloniale de création d'un Etat saharien, l'OCRS (Organisation commune des régions sahariennes). Depuis, et malgré les entraves et les interférences de certaines puissances régionales et extrarégionales, l'Algérie ne s'est plus départi de son rôle de médiateur entre les mouvements Azawad et les pouvoirs centraux de Bamako en particulier et de Niamey (au Niger, l'Algérie avait un rôle d'observateur), honorant ainsi ses responsabilités régionales. En effet, dès les années 1990, des dispositions urgentes d'intégration ont été mises en application, en commun accord avec les parties au conflit, et un plan de développement de l'Azawad, soutenu par le PNUD et d'autres bailleurs de fonds était en voie de réalisation («Pacte national» au Mali sous la médiation de l'Algérie et «Accord de paix» au Niger sous l'égide de la France, le Burkina et l'Algérie dans un premier temps, par la suite la Libye et la France, acteurs traditionnels des conflits nigériens seront les principaux médiateurs). Mais, et malgré cette fébrilité, la question touareg semble ressurgir régulièrement avec d'autres mouvements armés pour d'autres revendications ou, tout simplement pour rejeter les accords de paix dont l'application fut un échec avoué (au nord Mali en particulier) mettant en doute les capacités des pouvoirs à répondre à leurs engagements à travers les plans de paix. En effet, en août 2004, le FLAA revendique une attaque armée au nord-Niger. L'intervention d'El Gueddafi permit la libération des otages et la libération, en 2005, de Ghissa Ag Boula. Au moment où le FLAA remettait les armes à El Gueddafi, médiateur et bailleur de fonds, un autre groupe armé, le «Mouvement National pour la Justice» (MNJ), se constitue sous le commandement d'un certain Aghali Alambo. Du côté malien, dix ans après ce qui fut appelé «la flamme de la paix» et malgré l'«Accord de paix, de sécurité et de développement de la région de Kidal», signé sous l'égide de l'Algérie en juillet 2006, le 23 mai 2007, des assaillants Touareg, appelés «groupe du 23 mai» ou «l'Alliance démocratique du 23 mai pour le changement» (ADC), dirigés par Ibrahim Ag Bahanga, attaquèrent deux garnisons dans la ville de Kidal, au nord-Mali, déclenchant un nouveau cycle de violence. Les négociations reprennent, encore une fois, sous l'égide de l'Algérie, l'action armée est gelée mais le chef, Ibrahim Ag Bahanga, qui rejette l'accord de paix, rejoint la Libye. Après la chute d'El Gueddafi, Bahanga, fort de l'arsenal de guerre récupéré, reprend le combat armé en déclarant cette fois-ci l'indépendance de l'Azawad. Cette Alliance changera de sigle dès la mort soudaine du chef et devient le mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA)… L'évolution de la situation au Mali où l'Etat s'est effondré de manière surprenante serait-elle un signe avant-coureur d'un embrasement généralisé ? Les jonctions des mouvements armés et des bandes de trafiquants auxquels s'ajoutent les déclarations du MAE français ne permettent pas la sérénité ; les attaques contre Ghadames (Libye) venues après les déclarations indépendantistes du MNLA, si elles ne seraient pas une alerte générale, alimentent le doute quant aux intentions des touareg et peuvent justifier des mesures préventives. Les événements survenus dans le sud de l'Algérie devraient être intégrés dans l'analyse globale de la situation qui ne cesse de se dégrader depuis les indépendances. L'instabilité dont souffrent nos voisins du sud prend les contours d'une menace bien identifiée à travers les réseaux sociaux. Ces deux pays, le Mali et le Niger, vivent depuis janvier 2012 une situation trop confuse générée par la disparition d'El Gueddafi, bailleur de fonds et investisseur, comme le relève le président Amadou Toumani Touré dans une interview accordée au quotidien français L'express du 2 avril 2012, et le retour de Libye, avec armes et bagages, de soldats touareg ayant servi le Guide déchu. Cette situation est aggravée, au Mali, par le putsch mené par un capitaine de l'armée accélérant de fait, la dynamique de partition du pays et donnant arguments à l'unification des rangs des mouvements rebelles. La main étrangère est encore une fois mise en cause pour les convoitises soupçonnées chez certaines puissances occidentales envers des richesses supposées de ces pays classés parmi les plus pauvres au monde ou pour le besoin des puissances atomiques à la recherche de «no man's lands» pour y construire des poubelles souterraines en vue de se débarrasser de leurs déchets nucléaires. Quel que soit le motif, quel serait le développement des événements ? Les pays du champ ont-ils les moyens de stopper l'embrasement de la sous-région ? Face à cette menace de partition des pays du Sahel, - l'Algérie et la Libye dont l'antagonisme dans la sous-région ne profitait qu'aux puissances extrarégionales, peuvent désormais conjuguer leurs efforts dans une stratégie commune tendant à faire renaître l'espoir d'une vie décente intégrée dans un destin commun. - Si le Mali est connu pour être l'un des premiers producteurs d'or d'Afrique (actuellement 3e en Afrique) et qu'il dispose d'un potentiel pétrolier répertorié depuis les années 1970, les deux piliers de la région, l'Algérie et la Libye, devraient pouvoir mettre en œuvre leurs moyens pour évaluer les gisements en vue de leur exploitation par le pouvoir de Bamako. - Les déclarations de l'UE à travers lesquelles elle rejette l'indépendance de l'Azawad, exprimée en termes de «condamnation», «pression» et «soutien à l'intervention militaire par une armée africaine» ne prêtent pas à l'apaisement. Le cas des populations des nord-Mali et nord-Niger est un appel au droit à la vie en direction de ces chantres des «droits de l'homme». Ces populations méritent qu'une conférence internationale examinerait les possibilités d'aide et d'assistance technico-financière de réalisation de leurs modestes projets de développement en lieu et place d'armée dont l'unique résultat de ce piège diabolique sera l'embrasement de la sous-région ou une ceinture de sécurité autour du Mali utile qui rappellerait la Minurso au Sahara occidental. Le problème Azawad est complexe et transnational, il exige une approche en termes de géopolitique. - Enfin, les pouvoirs en place, tout en compensant les disparités régionales, devraient également lutter contre le principe criminel d'atomisation de la société longtemps mis en œuvre pour durer au pouvoir, au profit de renforcement des fronts intérieurs et de rapprochement des populations. Leçon donnée par les révolutions arabes qui ont étalé devant le monde cette organisation archaïque des sociétés de tous les pays arabes piégées, affaiblies voire stérilisées par les divisions tribale, raciale, confessionnelle, linguistique, et où l'appartenance tribale ou régionale est encore outrageusement exploitée.