Facteurs extérieurs, revendications rejetées et accords non concrétisés, la paix paraît si lointaine sur la bande sahélienne entre rebelles touareg et gouvernements du Niger et du Mali. Quatorze soldats nigériens devaient être libérés hier par le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ). C'est une initiative qui fait suite à une intervention de la Libye, c'est-à-dire du guide libyen Maâmmar El Gueddafi. «Nous annonçons la libération de quatorze soldats nigériens en réponse à l'appel du dirigeant libyen Maâmmar El Gueddafi», a indiqué hier une source du MNJ. Une déclaration qui fournit bel et bien matière à réflexion. Primo, cette déclaration confirme -peut-être l'idée selon laquelle les Touaregs rebelles agissaient sinon sous les ordres du guide de la révolution libyenne, du moins en sous mains. Secundo, dire que la libération des quatorze soldats nigériens obéit à une simple instruction du guide libyen, cela peut être aussi en relation avec la sollicitation du président nigérien Mamadou Tandja qui avait demandé, fin août, le soutien de Tripoli pour assurer la sécurité au Niger. Une chose est sûre, il n'est un secret pour personne que Mouâmar El Gueddafi n'a cessé, depuis toujours, d'appeler les populations targuies du Sahel à s'unir. Durant l'année écoulée, le truculent chef de la Jamahiriya libyenne, le leader Mouâmar El Gueddafi, avait sérieusement irrité tous les chefs d'Etat de la région saharo-sahélienne en appelant les Touareg à se fédérer. C'est en effet son initiative de «reconstitution du Grand Sahara». Les conflits opposant des rebelles touareg aux gouvernements des pays de la bande sahélienne, notamment malien et nigérien, ont commencé depuis le début de la décennie dernière, soit depuis 1990. L'annonce de la libération hier des quatorze soldats de l'armée nigérienne est un signe fort de la volonté de parvenir à une issue en douceur à la crise. «Par cet acte, nous démontrons, si besoin est, une fois de plus notre engagement pour le respect des droits de l'homme et notre disponibilité à trouver une solution pacifique au conflit qui nous oppose aux dirigeants actuels du Niger», lit-on dans une déclaration rendue publique, hier, par les rebelles touareg du Niger. Le 7 septembre dernier, le MNJ avait affirmé avoir capturé six militaires lors d'une attaque contre une base à Agharous, dans le nord du Niger. Les rebelles touareg détiennent déjà, depuis juin dernier, trente-trois militaires. Ces derniers faisaient partie d'un groupe de 72 soldats capturés lors d'un raid qui avait coûté la vie à treize soldats dans cette région. Trente-neuf des 72 avaient été libérés, certains suite à l'intervention du Comité international de la Croix et du Croissant-Rouge (CICR) et d'autres à la suite de l'intervention de la Libye. Depuis février, le nord du Niger, proche de l'Algérie de la Libye et du Tchad, est le théâtre d'affrontements meurtriers entre l'armée gouvernementale et les rebelles touareg. Le MNJ réclame une répartition à part égale des richesses du Niger qui abrite l'un des plus grands champs d'uranium au monde. Si des signaux d'une bonne volonté pointent à l'horizon nigérien, au Mali le conflit opposant les Touareg du Kidal au gouvernement central de Bamako tourne au vinaigre. Sept rebelles touareg et un soldat malien ont été tués dimanche dernier au cours d'un accrochage à Tin Zaouatine (nord-est), près de la frontière algérienne. Dans un communiqué diffusé par le ministère malien de la Défense, il est mentionné: «Ce dimanche, une colonne militaire a fait l'objet d'une attaque de la part de bandits armés appartenant au groupe d'Ibrahim Ag Bahanga dans le secteur de Tinzaouatène. Bilan de l'attaque côté assaillants: sept bandits tués, plusieurs blessés et un prisonnier. Côté forces armées: un soldat mort au combat». Ce sont en fait les premières victimes d'affrontements directs entre l'armée malienne et les hommes d'Ibrahim Ag Bahanga et ce, depuis l'enlèvement, fin août, d'une cinquantaine de personnes par cet ex-rebelle touareg. Le mouvement officiel des rebelles touareg s'était engagé pourtant à rendre les armes suite à la signature des accords de paix d'Alger en juillet 2006. Ces accords risquent de prendre le même chemin que les précédents. Le combat diplomatique tendant à désamorcer la crise et à désarmer les rebelles touareg avait commencé en 1991. Durant cette année-là, l'Algérie avait abrité les premières discussions entre rebelles touareg et gouvernement malien. L´Algérie était alors concernée par les quelque 150.000 réfugiés vivant au sud du pays, principalement à Tamanrasset et Djanet. Ces pourparlers aboutirent à la signature d'un pacte de paix en 1991. Une bonne intention qui ne perdura pas longtemps. En 1992, après un épisode sanglant du conflit, un pacte national entre Touareg et gouvernement malien fut signé. Les revendications des Touareg ressemblaient beaucoup à celles formulées par les Nations unies par l'intermédiaire de son Groupe de travail sur les peuples indigènes (UN Working group for Indigenous Peoples). La signature de ce pacte a permis l'instauration d'une période de trêve. Le gouvernement malien semble disposé à quelques concessions: régler les conditions de l'administration de la zone des trois régions au nord du Mali, une démilitarisation au nord également, et l'intégration de 2400 Touareg dans l'armée malienne. Il promit également de réfléchir à l'intégration de Touareg dans la vie économique et politique. Le pacte de Bamako de même que les accords d'Alger de l'année écoulée se rejoignent sur le fond mais sans que leur application n'ait eu un réel suivi. Ce défaut d'application explique en grande partie ce regain de violence. Au Niger, les pourparlers les plus connus sont ceux de février 1994. En avril 1995, après une année de violence, est signé un accord de paix entre l´ORA (Organisation de la Résistance armée) et le gouvernement du Niger qui débouchera en juin 1995 sur l´amnistie des actes commis par la rébellion. Cet accord mentionne que désormais, les régions du nord où les Touareg sont majoritaires auront une autonomie partielle. De plus, serait prise en compte l´intégration des combattants dans la vie sociale et militaire au Niger: c´est-à-dire leur participation dans la police, l´armée et le service civil. Mais au Mali comme au Niger le manque de volonté politique n'est pas étranger à ce retour de la violence dans le nord de ces deux pays, avec comme conséquence l'ajournement du retour de la paix au Sahel.