L'Algérie doit «lever l'état d'urgence dans la wilaya d'Alger et garantir pleinement la jouissance du droit à la liberté d'expression et de réunion pour tous les citoyens». Alger doit mieux faire en termes de respect des droits de l'homme. En dépit des recommandations itératives des institutions internationales dont l'Algérie est membre, le pays se fait une nouvelle fois épingler pour les restrictions et autres violations des libertés fondamentales de ses citoyens. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a ainsi étudié, la semaine dernière à Genève (Suisse), la situation des droits de l'homme en Algérie. Et parmi la centaine de recommandations et autres commentaires émis par les 77 Etats membres qui participaient à cette réunion, les plus importantes sont celles ayant trait au maintien «partiel» de l'état d'urgence, pourtant officiellement levé en février 2011. Ainsi, dans le rapport final de l'Examen périodique universel (EPU) adopté le 1er juin, des pays comme l'Iran, la Chine ou l'Indonésie affichent leur satisfecit quant aux réformes engagées par Alger. Toutefois, de nombreux autres Etats membres l'épinglent pour les restrictions qui pèsent encore sur la vie publique et privée. Et tout particulièrement en ce qui concerne les manifestations et autres rassemblements. L'Algérie doit «lever l'état d'urgence dans la wilaya d'Alger et garantir pleinement la jouissance du droit à la liberté d'expression et de réunion pour tous les citoyens», recommande la Belgique à l'issue de l'audition de Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères. Il faut «supprimer les obstacles inadmissibles à la liberté de réunion et d'expression, y compris ceux interdisant les manifestations à Alger», estiment les Etats-Unis et la France, et aussi «prendre des mesures supplémentaires pour garantir le droit à la liberté d'expression, le droit de réunion pacifique et le droit à la liberté d'association», poursuit pour sa part l'Australie. Un avis partagé par la Namibie, la Norvège, l'Allemagne, la Slovaquie ou encore le Canada. Pour le Mexique et les Pays-Bas, l'Algérie se doit de faire mieux que des améliorations. Le pays doit ainsi «revoir sa législation et ses pratiques afin de garantir le libre exercice du droit à la liberté de réunion et la liberté d'expression, à toutes autres limitations que celles en vertu du droit international», insiste le Mexique, tandis que les Pays-Bas recommandent de «revoir toutes les lois qui restreignent la liberté d'expression et la presse». Par ailleurs, la Suisse juge, quant à elle, qu'il est impératif de «libérer toutes les personnes qui sont détenues uniquement pour avoir exercé leur liberté d'expression et de révoquer toutes les dispositions juridiques permettant de sanctionner le droit de la liberté d'expression». Les ligues des droits de l'homme attendent une application De même, les Etats membres ont émis des réserves quant au traitement fait aux ONG, dont les activités sont entravées par la nouvelle loi sur les associations. Et de nombreux pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, demandent la révision des différentes mesures visant à limiter la création, le fonctionnement et le financement des associations. L'autre point noir soulevé par le Conseil des droits de l'homme est la condition féminine en Algérie. Ainsi, pas moins d'une cinquantaine de recommandations ont trait à l'abrogation du code de la famille ou encore à la lutte contre toutes les violences et discriminations répandues dans la société. De même, il a été recommandé à Alger de ratifier le Protocole facultatif en vue d'abolir officiellement la peine de mort, ainsi que le Statut de Rome de la CPI et la Convention sur les disparitions forcées. Qu'en pensent les associations qui luttent au quotidien sur le terrain pour la défense des droits de l'homme ? «Ces constats ne sont pas nouveaux pour nous et sont l'objet de tous nos communiqués et rapports. Ces recommandations consolident nos positions», explique Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH). «Toutefois, ce rapport fait l'impasse sur de nombreux volets, telle l'indépendance de la justice», regrette pour sa part Nourredine Benissad, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). «Il faut espérer que l'Etat prendra en considération ces recommandations et affiche une réelle volonté d'améliorer la situation, marquée par de graves régressions», ajoute Boudjemaâ Ghechir.