Le régime a de tout temps usé des écoutes téléphoniques et le citoyen n'a jamais été protégé contre cette pratique, ces amendements sont stupides », a réagi, hier, au téléphone Hocine Zahouane, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), concernant le vote par l'APN dimanche dernier des amendements apportés au code pénal et au code de procédures pénales, notamment portant sur l'autorisation donnée aux officiers de la police judiciaire d'user, dans le cadre de leurs investigations, des écoutes téléphoniques. Dans un des rapports de la LADDH daté de février 2000, l'ONG a noté que « les violations des libertés, les dirigeants algériens qui ont bafoué les droits, notamment celles relatives au secret de la correspondance, aux écoutes téléphoniques et à l'enregistrement clandestin, sont monnaie courante. Toute personne en vue, exerçant une responsabilité dans l'opposition, ne peut avoir une conversation libre dans un appartement, un bureau, un véhicule, sans mettre d'abord en marche un poste-radio ou une télévision, pour empêcher l'enregistrement de paroles. Au-delà de toutes les violations graves, le droit de chuchoter ». Pour l'avocat Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), contacté hier par El Watan, « les écoutes téléphoniques portent atteinte aux libertés des citoyens qui ne sont pas à l'abri du contrôle et de la censure ». « Mon courrier, par exemple, est systématiquement ouvert », a-t-il rappelé, tout en relatant qu'un jour, en découvrant qu'une de ses lettres a été placée par l'officier de police dans une autre enveloppe après l'avoir décachetée, a eu cette réponse aux protestations de Ghechir : « Mes instructions sont au-dessus de la Constitution. » La situation est d'autant plus périlleuse pour les libertés, a noté le président de la LADDH, que dans l'esprit des responsables de l'Etat, « l'état d'urgence est devenu une sorte de Constitution- bis ». Boudjemaâ Ghechir s'est enfin demandé quel genre d'assurance peut apporter le pouvoir face à ces pratiques : « Car il faut disposer de garde-fous précis ». L'ancienne juge et ex-ministre, Leïla Aslaoui, s'était interrogée, dans une contribution dans le Soir d'Algérie du 8 avril dernier, « qui des citoyens sont écoutés par des instances de l'Etat curieuses de savoir ce que ces Algériens disent et font dans un cadre strictement privé ? La réponse n'est pas dans le code pénal ni dans l'avant-projet des amendements ». Boudjemaâ Ghechir se dit étonné de voir le « législateur algérien suivre la voie des Américains » dans ce domaine. Car, même dans un pays dit démocratique, armé de mécanismes crédibles et efficaces de contrôle parlementaire et judiciaire, les dérives totalitaires ne sont pas systématiquement évitées. L'administration Bush avait décidé d'autoriser l'espionnage de citoyens américains, sans avoir obtenu, au préalable, le mandat d'un tribunal spécial au nom de la lutte contre le terrorisme. Des cours fédérales ont remis en question ces pratiques. Le tribunal fédéral de Détroit avait déclaré anticonstitutionnel le programme secret de surveillance intérieur mené par l'Agence nationale de sécurité (NSA), au motif qu'il s'agissait d'une violation de la vie privée et de la liberté d'expression.