- Vous organisez des débats avec des auteurs venus du monde entier. Parlez-nous de l'orientation des thématiques et la particularité de cet éventail d'auteurs ? Notre ambition est que la programmation rende compte de la diversité de la littérature d'aujourd'hui, que ce soit du point de vue des histoires racontées ou des approches esthétiques. Les écrivains présents à cette édition viennent de divers horizons géographiques (Afrique, monde arabe, Méditerranée, Amérique latine) et leurs livres témoignent de cela. De plus, nous avons essayé d'inviter des écrivains dont les livres sont en phase avec le réel, le monde contemporain, l'histoire du XXe siècle. C'est un gage d'ouverture pour le festival. - Un thème pertinent retient l'attention, autour de «la décolonisation de la littérature». Justement, comment s'y prendre ? Le colloque coorganisé par Amina Bekkat et Benaouda Lebdaï servira précisément à interroger ce concept de «décolonisation» à partir des focales latino-américaine, africaine et algérienne. Quels modèles littéraires ? Quels rapports «esthétiques» entretenir avec les anciennes puissances coloniales ? Comment se réapproprier et réinventer notre imaginaire ? Autant de questions à creuser, à débattre. - Pensez-vous que les révolutions arabes ont joué un rôle important dans la littérature du monde arabe ? Je serais presque tenté de dire que c'est dans le sens, exactement, contraire que cela s'est passé ! Ce sont en effet les coups de boutoir répétés, les assauts créatifs et courageux, depuis de si nombreuses années, des meilleurs écrivains arabes qui ont participé, à bas bruit, mine de rien, à forger cette conscience citoyenne arabe que l'ont voit émerger aujourd'hui. Les œuvres de fiction de Alaa Aswany, Jabbour Douaihy, Rasha Al Ameer, Mohammed Al Achaari, Abdou Khal, et tant d'autres ont labouré le terrain de l'imaginaire, de la liberté de penser, de rêver. L'impact des révolutions arabes ne se fera sentir réellement que dans quelques années avec, je pense, plus d'audace encore chez les écrivains dans leur manière de raconter des histoires, de rendre compte de nos sociétés. - Croyez-vous qu'aujourd'hui, on accorde davantage d'attention à la littérature algérienne ? Nous avons la chance d'avoir une littérature très riche, diversifiée, avec des auteurs de plusieurs générations qui, aujourd'hui, font jeu égal avec les auteurs internationaux. Que ce soit en langue arabe avec Fadéla El Farouk, Bachir Mefti, Samir Qassimi, Mohamed Sari ou en langue française avec Aziz Chouaki, Salim Bachi, Anouar Benmalek, Yahia Belaskri, Mourad Djebel, Habib Tengour etc. Ce sont des fictions complexes, contradictoires, angoissées, qui travaillent sur plusieurs registres de langues et de narration, qui fouillent sans manichéisme notre histoire – de la colonisation à aujourd'hui – et qui placent notre littérature parmi les plus vivantes au Maghreb et dans le monde arabe.