Pour le visiteur comme pour le résident, la localité de Haï El Badr présente une situation effarante de délaissement. Les dégradations subies ne peuvent en aucun cas échapper au regard de l'observateur. Cette sombre situation, doit-on le mentionner, a été amorcée lors du découpage administratif de 1984. Cette localité, qui dépendait de la commune d'Hussein Dey, allait être intégrée contre toute attente à la nouvelle commune de Bachedjarah. Dès lors, la situation du vieux quartier n'a cessé de s'empirer. Présentement, l'insalubrité, les embouteillages dus à l'étroitesse et à l'état piteux des voies, le squat des dernières poches foncières et les actes de délinquance sont des caractéristiques principales de ce quartier. « Les champs qui égayaient autrefois les alentours ont été urbanisés. Des cités y ont été réalisées. De nouvelles exigences sont apparues avec l'augmentation du nombre d'habitants. Notre localité, qui n'a nullement profité des plans de développement communaux, ne pouvait y faire face avec ses capacités réduites », a déclaré M. K., vice-président de l'association sportive locale. En effet, une simple observation effectuée a été suffisante pour déceler les négligences des pouvoirs publics. A commencer par l'artère principale qui est envahie par des nids-de-poule. « Celle-ci, au lieu de subir des travaux pour son élargissement, continue à étouffer la localité par un goulot d'étranglement qui s'est constitué après un rétrécissement de la chaussée », a observé N. S., représentant des transporteurs privés. A son tour, un pharmacien d'officine déclare : « Bien que cette artère soit une importante voie d'accès, la fluidité y est quasi nulle et les embouteillages sont inextricables même en dehors des heures de pointe. Nous sommes non seulement accablés par les nuisances des véhicules, mais nous subissons une perte considérable de clients qui ne cherchent qu'à se dépêtrer de ce fouillis. » En empruntant les voies secondaires de la localité, le même décor. Les fuites d'eau sont innombrables, les détritus jonchent le sol, des eaux d'une couleur noirâtre stagnent en bordure de chaussée. Un peu plus loin, des eaux usées provenant sans doute des fosses septiques et drainées à travers l'oued, constituent une véritable source de maladies qui guettent les riverains. Nuissances « Nous avons à maintes reprises sollicité une intervention des services concernés, mais nos démarches ont été vaines », a affirmé un riverain. Or, pour mieux nous faire constater les dépassements, un ex-élu nous a conduits au pas de course vers un endroit où a été implanté un étrange centre commercial. L'édifice, faut-il le préciser, quoiqu'il soit composé de 30 locaux, demeure fermé depuis son inauguration en 1996. « Le projet a été initié en 1988 par l'APC, malgré les vives protestations des riverains. Il a été achevé par la suite, puis inauguré en 1996 pour faire bénéficier certains cadres ainsi que quelques fonctionnaires de la même APC. Ceux-ci n'ont pas hésité à utiliser les noms de leurs proches pour camoufler l'acquisition », a expliqué B. Z., ex-élu. Celui-ci a estimé qu'il est inconcevable de dépenser tant de milliards pour réaliser un centre commercial sachant que le site choisi ne permet en aucun cas l'exercice de l'activité commerciale. « Il est inadmissible d'abandonner par la suite un tel édifice aux marginaux qui ont investi les espaces intérieurs pour la consommation et l'écoulement des stupéfiants. Pourtant, les autorités savent pertinemment que ces pratiques immorales portent préjudice à l'ensemble des riverains. Alors pourquoi ne procèdent-elles pas à l'aménagement de cette structure défaillante en centre culturel ou en polyclinique ? », s'est-il interrogé. Favoritisme Partageant le même avis, M.O., un élu relevant de l'actuelle assemblée, a jugé utile de dénoncer l'engouement qu'affichent certains élus pour la réalisation des centres commerciaux. « En tant que représentants du FFS, nous nous opposons à de tels projets », a soutenu ce délégué communal. En poursuivant cette visite guidée, trois faits semblent attirer l'attention. Le premier, c'est la construction d'un immeuble de 5e étages dans un quartier résidentiel de la localité. Pourtant, le cahier des charges ne prévoit que des constructions de type R+2. « Ce qui est sûr, c'est que le permis de construire n'a pas été visé par la DUCH », a reconnu le subdivisionnaire (SUCH). Le second fait se résume à la réalisation à Haï El Badr de 40 logements participatifs. Les habitants du quartier n'ont pas été informés de cette réalisation. Mais ils ont appris récemment que l'immeuble implanté à proximité des ateliers du métro d'Alger, situé également à Haï El Badr, relève de la formule relative aux logements participatifs. « Tout a été orchestré dans l'opacité par le président de l'assemblée sortante de manière à favoriser ses proches », a précisé l'ex-élu. Le troisième fait se traduit par d'autres constructions illicites réalisées dans l'ex-ferme Descun, située à la limite de Haï El Badr. « Après avoir illégalement loti le terrain d'assiette, l'assemblée sortante a délivré des décisions d'attribution. Plusieurs élus figurent parmi les bénéficiaires. Pourtant, l'article 44 du code communal 90-08 du 7 avril 1990 stipule que l'opération de lotir ne relève pas des compétences du conseil communal. Juridiquement, tout ce qui a été fait est contre la réglementation en vigueur ». Entre temps, d'après les mêmes déclarations, certains bénéficiaires ont, en toute quiétude, cédé leur décision contre une somme qui dépasserait la centaine de millions de centimes. « Pour le moment, des constructions illicites émergent au même endroit, tandis que ceux qui ont transgressé les lois s'enrichissent de plus en plus sans s'inquiéter pour autant. Ils mènent une vie d'opulence pendant que les habitants de Haï El Badr continuent à subir les retombées des dépassements et des négligences accumulés », conclut le même ex-élu.