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Zine Barka. Président de l'Association nationale des finances publiques : «Le fonds de régulation des recettes n'est pas une source pérenne de financement»
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Publié dans El Watan le 11 - 06 - 2012

- Ces dernières années ont été marquées par une dépense publique en expansion. Sa gestion actuelle ne manque-t-elle pas de rationalité ?
En 2012, les dépenses budgétaires totales s'établissent à près de 7429 milliards de dinars contre 4191 milliards de dinars en 2008, soit une hausse, en valeur nominale, de près de 44%. En pourcentage de la richesse nationale (PIB), les dépenses publiques totales sont passées de 35% du PIB en 2007 à près de 44% en 2012. Quand on décompose les dépenses totales, on remarque que les dépenses courantes connaissent un accroissement significatif. En effet, elles passent de 18 % du PIB à près de 30% du PIB. Cette augmentation importante s'explique principalement par l'augmentation des salaires intervenue depuis 2010 avec des effets rétroactifs de deux ans. Par contre, le ratio des dépenses d'investissement dans le PIB connaît un repli passant de près de 16% en 2007 à 13% en 2012 après avoir connu un «pic» en 2009 à 19% du PIB. C'est un changement significatif. Or, ces dépenses d'investissement sont le soutien à une hausse de la production au cours des années à venir. A condition de les rendre plus efficientes et de les soumettre à un contrôle rigoureux. Cela interpelle un rôle plus accru de la Cour des comptes dans l'exécution du budget.
De plus, le budget 2012 prévoit une prolongation des mesures socioéconomiques d'aide aux catégories à faible revenu et à l'emploi initiées en 2011. Parmi ces mesures, on peut citer un soutien des prix de certains produits alimentaires de base, une expansion du programme visant à faciliter l'accès des fonctionnaires au logement, et un soutien accru aux mécanismes de réduction du chômage des jeunes. Le budget couvrira également le coût de la subvention des taux d'intérêt des prêts à l'investissement des PME, ainsi que le rééchelonnement de la dette des PME très endettées. Toutes ces mesures à caractère social visent à préserver la cohésion sociale, mais contribueront à positionner les dépenses courantes à un niveau important en 2012.
Théoriquement, si la croissance des dépenses publiques n'est pas contenue, elle risquerait d'entraîner principalement une forte augmentation des prix des différents produits, ce qui relancerait à la hausse le rythme de l'inflation après une période d'accalmie. En outre, cette situation se traduirait par un effet négatif sur le taux de change du dinar et nuirait à la compétitivité et à la diversification de l'économie algérienne.
Par ailleurs, cette augmentation importante de la dépense est de nature à compliquer un peu plus la mise en œuvre de la politique budgétaire du fait de la rigidité à la baisse des dépenses courantes.
Qu'en sera-t-il pour les prochaines années sur le plan de la croissance de la masse salariale ? Va-t-on assister à un risque de réduction des recrutements et à un «gel» des augmentations de salaires ? D'où la nécessité pour les pouvoirs publics d'introduire davantage de rationalité dans cette politique de redistribution de la rente pétrolière.
- Aujourd'hui, les prix du pétrole baissent. Pensez-vous que le gouvernement sera contraint de procéder à des ajustements à travers des mesures restrictives de type de celles qu'il y a eu dans la LFC 2009 ?
Il est vrai que la conjoncture actuelle rappelle, quelque peu, celle de la fin de l'année 2009. C'est un contexte international marqué par des craintes persistantes sur la croissance mondiale après des signes de ralentissement des économies américaines, des pays de la zone euro et chinoise, grosses consommatrices d'énergie. L'Europe ne parvient toujours pas mettre un terme à la crise de la dette souveraine en zone euro et ses déboires risquent de s'étendre à d'autres pays. Actuellement, ces craintes sur la croissance mondiale font chuter les prix du brut. Cette contraction du commerce mondial et du recul des prix des produits de base, y compris les hydrocarbures, risque d'entraîner une importante baisse du revenu de nos exportations d'hydrocarbures et partant de la fiscalité pétrolière. A court terme, cette situation ne poserait pas d'énormes problèmes à l'économie algérienne car le Fonds de régulation des recettes – FRR est très important et mettrait le pays à l'abri d'une éventuelle bourrasque financière. Cette sombre et espérons-le, hypothétique, hypothèse relance le débat sur une réforme en profondeur de l'économie algérienne pour la rendre moins dépendante des évolutions erratiques du prix du baril de pétrole. Se pose également la question de la gestion transparente de ce Fonds qui suscite bien des questions au niveau du citoyen. Pour faire face à cette situation, il est important de songer à l'introduction de moyens de calculs sophistiqués et bien maîtrisés par les décideurs économiques dans l'analyse d'impact des chocs financiers internationaux sur l'économie algérienne. Ces modèles macroéconomiques modernes sont de nature à aider la prise de décision dans le choix de politiques publiques pour appréhender d'une façon rationnelle l'utilisation de ces ressources et continuer à développer le pays et à faire aussi profiter les générations futures. Ces ressources naturelles et abondantes dont l'Algérie est productrice constituent une part importante de ces exportations qui doivent pouvoir servir à construire les bases d'un développement durable et équitable.
- Quand le gouvernement est critiqué sur l'ampleur du déficit du Trésor, il invoque le recours au fonds de régulation de recette.Une telle démarche n'a-t-elle pas ses limites quand on pense aux générations futures et à l'origine des ressources de ce fonds ?
L'augmentation significative des recettes budgétaires depuis plus de dix ans a permis à l'Algérie d'engager une politique d'allocation des ressources importantes en direction de l'investissement public et aussi vers les dépenses de fonctionnement. Ce lien étroit entre un accroissement des ressources et une augmentation de la dépense est observable au niveau de beaucoup de pays particulièrement en développement. Beaucoup de pays de la zone euro, dans le cadre de politiques conjoncturelles, ont soutenu une augmentation de la dépense publique facilitée par les déficits budgétaires. Actuellement, les pays fragiles de cette zone paient sévèrement le prix de ce choix économique et politique.
Au cours de cette période, l'Algérie a constitué un important stock d'épargnes au Trésor dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Il est admis que les disponibilités du FRR qui devraient soutenir la dépense publique sur la période 2012-2014 ne peuvent être perçues comme une source de financement pérenne à cause de la volatilité des prix des hydrocarbures.
Le haut niveau d'investissement public et de dépenses courantes (rémunérations, subventions aux EPA et charges sociales) particulièrement en 2012 a engendré un déficit budgétaire important sur la période avec un sommet en 2008 (-7.6% du PIB). Après un répit en 2010, les prévisions montrent un accroissement de déficit significatif pour 2012. Cette détérioration du solde budgétaire en 2012 résulte de l'augmentation substantielle des dépenses budgétaires courantes. Et c'est ainsi qu'il sera fait appel encore au Fonds de régulation des recettes pour le financement de ce déficit. Se pose alors la question de la bonne gestion de ce Fonds pour faire face aux besoins de développement actuels sans perdre de vue les générations futures. Certes, des arbitrages sont à faire, mais ces choix doivent être éclairés par une démarche rationnelle, équitable et surtout transparente quant à l'utilisation de ces Fonds dont les ressources sont hautement conjoncturelles avec les variations des prix des hydrocarbures. La sortie de la forte dépendance de l'économie algérienne des exportations hydrocarbures et partant de la, la question de la mise en œuvre d'une politique de diversification de l'économie ainsi qu'un rôle plus conséquent du secteur privé dans la production nationale et d'un recadrage du secteur public refont surface et ne peuvent être longtemps éludées.


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