Le défi majeur de l'Algérie pour cette institution financière internationale est donc d'assurer une croissance hors hydrocarbures forte et soutenable, afin de réduire le chômage et accroître le niveau de vie. Le gouvernement devra se préparer à prendre certaines mesures conservatoires au cas où la conjoncture mondiale devrait rester durablement défavorable. Celles-ci pourraient inclure une rationalisation accrue des dépenses publiques, y compris une meilleure maîtrise des dépenses courantes, ainsi qu'une mobilisation encore plus efficace des recettes fiscales hors hydrocarbures. Ce sont les premières conclusions de la mission du Fonds monétaire international, dirigée par M. Joël Toujas-Bernaté, qui a séjourné à Alger du 4 au 15 novembre 2008, pour conduire les discussions dans le cadre des consultations annuelles au titre de l'article IV des statuts du FMI. Durant les 12 jours, la délégation du FMI a rencontré le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque d'Algérie ainsi que les représentants des secteurs financiers et économiques. Lors d'une conférence de presse, organisée hier à l'hôtel El-Djazaïr (Alger), le chef de la mission du FMI relève que la crise actuelle souligne l'impératif de diversification de l'économie, encore très dépendante du secteur des hydrocarbures. De plus, la productivité reste relativement faible comparée aux pays partenaires, et le chômage demeure très élevé chez les jeunes. Le défi majeur de l'Algérie à moyen terme est donc d'assurer une croissance hors hydrocarbures forte et soutenable afin de réduire davantage le chômage et d'accroître le niveau de vie de la population. Ceci présuppose non seulement la stabilité macroéconomique, mais aussi l'approfondissement des réformes structurelles, “qui sont restées timides, en particulier en matière de désengagement de l'Etat des secteurs industriels et financiers”. “En tout état de cause, le gouvernement devra continuer à veiller à la qualité des dépenses publiques”, suggère M. Joël Toujas-Bernaté pour qui, à l'avenir, “il s'agira de veiller au développement sain du secteur financier, d'assurer l'intégration croissante du pays dans l'économie régionale et mondiale, et d'améliorer le climat des affaires”. Ce sont là des défis à moyen terme que l'économie algérienne devrait relever. Sur le désengagement de l'Etat du secteur financier, le chef de la mission du FMI précise que c'est un besoin qui s'exprime sur le moyen et long terme. “Nous ne sommes pas dans la situation de recommander un désengagement immédiat. Il faut attendre que les conditions du marché se stabilisent pour réengager le mouvement de privatisation de banques publiques”, souligne M. Joël Toujas-Bernaté. En matière de constat, la mission du FMI relève que l'Algérie a enregistré depuis plusieurs années de bonnes performances économiques caractérisées par l'accélération de la croissance hors hydrocarbures et la réduction du chômage, la quasi-élimination de l'endettement extérieur, et d'importants surplus extérieurs et budgétaires. Ces performances se sont poursuivies en 2008. La croissance hors hydrocarbures devrait atteindre près de 6%, en continuant d'être tirée par l'important programme d'investissement public. La croissance totale devrait, elle, s'établir autour de 3%, du fait d'une baisse des exportations hydrocarbures. L'inflation reste maîtrisée à 4%, un niveau qui est parmi les plus faibles des pays de la région, reflétant une politique monétaire prudente et un soutien aux prix de certains produits alimentaires de base. Les taux de change effectifs nominal et réel sont restés globalement stables depuis un an. La position extérieure reste forte, bénéficiant des prix pour la première partie de l'année des prix pétroliers élevés. Sur cette base, le solde des opérations courantes extérieures devrait dégager un surplus de 20% du produit intérieur brut (PIB) pour cette année. Ce qui a entraîné un accroissement continu des réserves internationales qui ont atteint environ 135 milliards de dollars en octobre 2008. La position budgétaire est jugée, elle aussi, solide, malgré une forte expansion des dépenses de fonctionnement et d'équipements. Là aussi, grâce à des recettes hydrocarbures élevées, le surplus budgétaire devrait atteindre 9% du PIB. Cela a permis une accumulation supplémentaire de ressources dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Crise financière mondiale : pas d'effet de contagion sur l'Algérie Le contexte international s'est assombri brutalement depuis l'été avec la crise financière mondiale, la baisse rapide du prix du baril, et les perspectives de fort ralentissement de l'économie mondiale. “Pour l'Algérie, nous avons été confortés dans notre analyse. Du fait de sa faible exposition aux flux financiers internationaux, le secteur financier algérien ne devrait pas subir d'effets de contagion directe”, souligne M. Joël Toujas-Bernaté. L'engagement extérieur a été réduit au niveau minimal. Les banques n'ont pratiquement pas d'engagement vis-à-vis de l'étranger. Il n'y a pas de risque d'investissement de portefeuille, étant donné que l'investissement étranger de portefeuille n'est pas encore autorisé en Algérie. En outre, les investissements directs étrangers sont relativement faibles. Le chef de la mission du FMI a, par ailleurs, affirmé que “les réserves de change de l'Algérie ont été investies de façon très très prudente par la Banque d'Algérie, dans des actif sûrs, essentiellement en bons de Trésor dans les économies les plus importantes. Ces avoirs ne comportent aucun risque”, saluant la politique de la Banque d'Algérie dans se sens. Le principal risque, qui porte sur la diminution importante des recettes pétrolières, pourrait affecter à terme la croissance par le biais d'un ralentissement du programme d'investissement public. Dans ce contexte, très incertain, les principaux messages de la mission du FMI, “déjà pris en charge par les autorités algériennes”, au vu de cette volatilité et de certaines incertitudes sur les marchés internationaux est d'accroître la flexibilité des politiques macroéconomiques, de réagir beaucoup plus vite à l'impact de la baisse des cours pétroliers sur l'économie, préserver la stabilité macroéconomique et soutenir la croissance. Sur la mise en place d'un fonds souverain, la mission du FMI soutient la position du gouvernement algérien qui a préféré l'option d'utilisation des recettes accumulées dans le Fonds de régulations des recettes, dans le financement des projets d'investissement. Le FMI contre le fonds souverain En matière de prévision pour 2009, la mission du FMI pense que la politique budgétaire devra protéger la demande intérieure contre la baisse des cours mondiaux des hydrocarbures. Les ressources accumulées dans le FRR grâce aux politiques financières prudentes poursuivies au cours des dernières années permettront de continuer à financer, au moins dans l'immédiat, le programme d'investissement public et le déficit budgétaire. Les pressions inflationnistes s'estomperont suite au retournement des prix des matières premières. Par ailleurs, la Banque d'Algérie devrait poursuivre la politique actuelle de stabilité de taux de change effectif réel, de manière à ne pas dégrader “la compétitive de l'économie algérienne”. Sur la base de ces prévisions, le FMI prévoit une croissance globale de 2,5% à 3% en 2009, une croissance hors hydrocarbures d'environ 6% si les projets importants d'investissement publics et privés se poursuivent et une inflation de moins de 4%. En revanche, la baisse des prix des hydrocarbures couplée à des importations élevées entraîneraient une dégradation significative de solde extérieur. Meziane Rabhi