Bien que débarrassés de Mouammar El Gueddafi, les Libyens ne sont pas tranquilles pour autant. Depuis la chute de Tripoli au mois d'août dernier, leur quotidien continue d'être rythmé par une sanglante lutte de pouvoir que se livrent les nombreuses tribus qui composent le pays. Lourdement armées, celles-ci ne reconnaissent pas l'autorité du Conseil national de transition (CNT), une sorte de gouvernement provisoire qui est dirigé depuis sa création par Moustapha Abdeljalil et qui prévoit d'organiser le 7 juillet prochain une élection destinée à doter la Libye d'une Assemblée constituante. Initialement programmées pour le 19 juin, cette élection (la première du genre en quarante ans) pourrait se voir à nouveau reportée au mois d'août dans le cas où la situation sécuritaire, qui a connu ces derniers jours une importante dégradation, ne parvient pas à se normaliser. Aucune ville libyenne n'est épargnée par la flambée de violence surtout depuis que des djihadistes se sont mis de la partie. Bien que considérablement diminués, les anciens gueddafistes ne désespèrent toujours pas aussi de parvenir un jour à renverser la situation. Même Benghazi, qui est pourtant réputée pour être le bastion des anciens insurgés, ne semble pas à l'abri. Les chancelleries occidentales qui s'y sont installées au lendemain du soulèvement contre le colonel El Gueddafi semblent constituer désormais la cible privilégiée de bandes armées présentées comme étant proches d'Al Qaîda. Pas loin qu'hier, une roquette a été tirée sur un convoi diplomatique de l'ambassade de Grande-Bretagne, blessant un membre de la sécurité. Les Toubous dénoncent un «plan d'extermination» A l'extrême ouest, les autorités libyennes ont dû fermer dimanche le poste-frontière de Ras Jdir (sud) entre la Tunisie et la Libye à la suite d'accrochages entre les forces régulières libyennes et d'anciens rebelles de Zouara (ouest libyen) se disputant le contrôle du passage. Ces accrochages, survenus dans la nuit de samedi à dimanche, ont permis aux militaires libyens de reprendre le contrôle du poste-frontière aux ex-rebelles, selon des sources citées par l'agence officielle tunisienne TAP. «Le point de passage a été fermé côté libyen par mesure de sécurité à titre préventif et seuls les convois urgents et les ambulances étaient autorisés» à passer dimanche, selon les mêmes sources. Le poste a également été bloqué du côté tunisien de la frontière sous la pression d'un groupe de manifestants exigeant la libération de douze Tunisiens arrêtés après ces accrochages et empêchées de regagner leur pays, a rapporté la correspondante locale de la TAP. Des incidents sécuritaires et des altercations ont souvent provoqué ces derniers mois la fermeture épisodique de Ras Jdir, point névralgique pour les échanges et la circulation des personnes dans les deux sens. Au sud-est de la Libye, au moins vingt-trois personnes ont été tuées depuis le début de la semaine à Koufra, ville frontalière du Tchad, du Soudan et de l'Egypte, dans des combats entre la tribu des Toubous et une brigade composée d'insurgés dénommée «Bouclier de la Libye» relevant de l'armée libyenne. Cette brigade est considérée par les Toubous comme une milice «hors la loi». Devant la situation, Issa Abdelmajid, le chef des Toubous, a appelé les Nations unies à «faire pression sur le CNT pour lever le siège sur les Toubous» qui font face, selon lui, à un «plan d'extermination». Confirmant l'information, Hussein Sake, un autre chef tribal des Toubous, a affirmé qu'il n'y avait qu'un hôpital de campagne pour les Toubous blessés. A rappeler qu'en février dernier, des combats entre les deux grandes tribus de la ville, les Toubous et les Zwei, avaient fait plus d'une centaine de morts des deux côtés en une douzaine de jours à Koufra.