Contrairement à ce que veulent faire croire les responsables du Conseil national libyen de transition (CNT), la situation sécuritaire évolue dangereusement en Libye. Abandonné à son sort par la communauté internationale qui n'a visiblement d'yeux que pour les installations pétrolières de Brega et les marchés mirobolants de la reconstruction, le pays est pour ainsi dire au bord de l'éclatement. Et l'impressionnante prolifération d'armes légères rend encore plus probable le risque d'éclatement d'une guerre civile. Des tribus et des habitants de plusieurs régions se sont servis dans l'arsenal militaire hérité de Mouammar El Gueddafi et n'hésitent pas à recourir aux armes au moindre conflit d'intérêt. Dans certaines régions comme à Sebha (Sud libyen), la situation est carrément hors de contrôle. Pour éviter d'être les otages de la guerre pour le pouvoir que se livrent les différentes tribus depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi, les Libyens ont décidé de plier bagage et de fuir très vite. C'est le cas notamment des populations des villes limitrophes de la frontière tunisienne. Des milliers de Libyens ont franchi ces derniers jours les deux points de passage frontaliers pour se rendre en Tunisie. «C'est la ruée ces derniers jours», a indiqué à la presse un responsable du Croissant-Rouge, précisant que 5000 Libyens étaient passés lundi par le poste-frontière de Ras Jdir. Près de 4000 autres sont également passés au début de la semaine par le poste-frontière de Dehiba dans le sud de la Tunisie, rapporte l'agence tunisienne de presse TAP. Le départ des populations des villes de l'Ouest libyen a été précipité par l'éclatement d'affrontements à l'arme lourde entre des groupes armés de Zouara (60 km de la frontière tunisienne) et d'autres villes à l'ouest de Tripoli. Les combats ont fait, hier, au moins 14 morts et 80 blessés. Le CNT s'avoue impuissant Devant des développements aussi tragiques, le CNT a été contraint de reconnaître la gravité de la situation et surtout son impuissance à imposer son autorité sur le terrain. «La situation est critique à Zouara. Il y a des bombardements à la roquette depuis les villes de Regdaline et Jamil. Il y a eu au moins quatorze morts aujourd'hui (hier à 16h GMT, ndlr), mais le nombre pourrait être plus important», a indiqué à la presse Othman Ben Sassi, directeur du bureau de presse au CNT. «Le nombre exact des victimes n'est pas encore connu», a ajouté M. Ben Sassi qui habite à Zouara. Ces derniers mois, la tension était palpable entre Zouara, dont les habitants sont d'origine amazighe, et les villes environnantes de Jamil et Regdaline, accusées d'avoir soutenu le régime gueddafiste durant la révolte libyenne, de février à octobre 2011. Mais à ce jour, personne n'est en mesure de donner les raisons exactes de la crise. De nombreux observateurs s'accordent toutefois à dire que l'annonce unilatérale par Benghazi, il y a un mois, de sa décision d'opter pour le fédéralisme et de faire de la Cyrénaïque, une contrée très riche en pétrole, une région autonome, a accentué les clivages entre les tribus qui tentent chacune de tirer son épingle du jeu sur l'échiquier politico-économique de la future Libye. Cette grille de lecture permet d'ailleurs de saisir le sens de la menace proférée la semaine dernière par les Toubous (les populations noires libyennes) de proclamer l'indépendance de leur région. Les affrontements d'hier interviennent après des combats meurtriers entre tribus à Sebha, dans le sud de la Libye, qui ont fait la semaine dernière près de 200 morts et 395 blessés. Quoi qu'il en soit, le ministre libyen de l'Intérieur, Fawzi Abdelali, a fait état hier d'«efforts pour mettre fin au conflit». «Nous avons envoyé une force de 200 membres du ministère de l'Intérieur dans la région», a-t-il dit, appelant les deux parties à la «retenue». Mais le CNT, qui ne dispose pas à proprement parler d'une armée, a du mal à être pris au sérieux par la population et notamment par les milices qui pullulent en Libye. Preuve en est, très peu sont celles qui ont, à ce jour, accepté de se laisser désarmer. C'est la raison pour laquelle le pire est à craindre dans l'ex-Jamahiriya.