Le résultat des élections présidentielles en Egypte, annoncé officieusement cette semaine, n'est pas loin du résultat des élections algériennes de 1991. Sa fin mitigée et contestée rappelle la fin des élections américaines de Busch junior et Al Gore en 2000. La précipitation du Haut Conseil militaire pour nommer un chef du cabinet du président de la République peut être une indication d'un signe prémonitoire de la réussite du candidat islamiste, senti par le Conseil. Dans ce cas, espérons que les frères, là-bas, soient plus lucides et suffisamment intelligents pour ne pas tomber dans le même piège qui nous a coûté trop cher. Les Egyptiens se sont trouvés au début de cette semaine devant un dilemme, qualifié par certains comme une obligation de choisir entre la peste et le choléra.Bien qu'un bon pourcentage d'électeurs ait boycotté les élections, il semblerait que les Egyptiens ont préféré choisir l'islamiste le docteur Mohammed Morsy, au détriment du symbole de la contre-révolution, le général Ahmed Chafik, considéré par la masse comme le représentant de «fouloule», c'est-à-dire, reliquats ou bribes du régime de Moubarak. Ce choix est considéré comme une réponse courageuse au Conseil militaire et dans un certain sens, au Tribunal constitutionnel, responsable de la dissolution du Parlement à majorité islamiste. Faut-il garder à l'esprit que depuis la chute de Moubarak, les islamistes ont multiplié les gaffes, les erreurs politiques et les faux pas de toutes sortes. Bien que les dirigeants islamistes aient donné l'impression qu'ils feraient tout pour soulever l'ensemble du peuple contre eux, celui-ci s'est montré, samedi et dimanche, intelligent, lucide et courageux. Il a tourné le dos au dernier Premier ministre du président déchu, donnant ainsi une nouvelle chance au courant islamique. Le nouveau président égyptien n'aura pas la tâche facile. Il affrontera une résistance acharnée à tous les niveaux. La force de nuisance de son opposition est constituée par des centaines de millier d'anciens partisans de Moubarak, des milliardaires qui ont fait fortune grâce à l'ancien régime et des tortionnaires de la police politique, qui craignent le châtiment, tôt ou tard. Possédant des fortunes colossales, la contre-révolution ne manquera pas de trouver des porte-parole parmi les gauchisants arrivistes, les anti-islamistes notoires et une panoplie d'artistes dont nous avons constaté la médiocrité politique à l'occasion de la rencontre de football avec l'Egypte en 2009. Morsy aura donc à naviguer dans des eaux troubles pour mener à bien sa mission. Ce professeur universitaire, d'apparence modeste et peu charismatique, pourrait, en choisissant des conseillers à la hauteur et grâce à une clairvoyance aiguë, donner une nouvelle version du Britannique Clément Atly et de l'Américain Henry Truman. Ces deux politiciens, qui avaient apparemment un profil assez bas, ont fait preuve, une fois au pouvoir, d'une compétence exemplaire. Le nouveau président doit comprendre qu'il serait chanceux s'il arrive à «consommer» un mandat, un seul mandat. Il doit donc commencer par demander aux ténors des «frérots» de la «boucler» et de ne pas régurgiter les bêtises verbales, constatées chez nous et chez eux. En même temps, il doit gagner la confiance du Haut Conseil des forces armées, une tâche très difficile, mais qui sera son gage de réussite et sa garantie du succès. Ensuite, il doit multiplier les gestes réconciliateurs à l'égard des nasséristes, des coptes et des intellectuels de la gauche clairvoyante. La formation du gouvernement et la nomination du staff présidentiel seront le premier test de Morsy. Le choix d'un vice-président copte et d'un Premier ministre «libéral» serait un geste intelligent et prometteur. Le mouvement des Frères musulmans doit comprendre que c'est sa dernière chance politique. Il doit laisser fleurir son élite remarquable, souvent écrasé par un «ghachi» de barbus, manipulé par des presque illettrés de trabendistes et de nouveaux riches. Il ne doit pas confondre solidarité islamique internationale et prétentions hégémoniques régionales. Une chose me semble certaine, l'Egypte ne connaîtra pas le bain de sang que vit la Syrie.