Le 4 avril 2004, le visage Rania Al Baz, jeune et jolie présentatrice vedette de la télévision saoudienne, est fracassé par un mari jaloux qui la dépose devant un hôpital avant de prendre la fuite. Rania Al Baz subira quatre jours de coma et 13 interventions chirurgicales pour retrouver ses traits. Ce fait divers, devenu une affaire d'Etat, fera le tour du monde. Rania Al Baz brise un tabou énorme en étant la première femme saoudienne à dénoncer les violences conjugales. Nous avons rencontré Rania Al Baz, il y a quelques semaines, alors qu'elle se trouvait à Paris à l'invitation de l'association Ni putes, ni soumises et pour la promotion de son livre. Elle évoque avec nous la condition des femmes dans son pays, s'exprimant pour une amélioration de cette condition sans remettre en cause les règles religieuses ou la tradition. Rania Al Baz, 31 ans, est mère de trois enfants. Elle se marie une première fois à 16 ans. Il n'y a pas longtemps, à 18 ans, une jeune fille non mariée était considérée comme âgée. Mais selon Rania, les temps ont changé, sa sœur a 21 ans et n'est toujours pas mariée. « La femme doit faire des études. La société doit accepter cela. Le peuple a besoin d'être sensibilisé, la culture politique est faible en Arabie Saoudite. » Elle affirme se battre pour le changement de la loi dans son pays, pour la protection des femmes, pour qu'elles puissent sortir et travailler librement sans être obligées de recourir à l'autorisation de leur père ou de leur mari, pour que les abus et l'arbitraire envers les femmes cessent. « S'attaquer à des réformes en profondeur en Arabie, c'est s'attaquer à une culture mâle solidement ancrée, où la femme n'a pas grande place en dehors de la cuisine et du lit. » « C'est parce que j'ai refusé de me soumettre que Rachid a voulu me détruire. Je n'étais plus sa chose, son objet, il n'était plus le mâle dominant, et cela, il ne pouvait le supporter ni l'admettre. Pouvons-nous accepter un tel machisme en ce début de XXIe siècle ? Non ».... « Me savoir soutenue officiellement, me conforte dans ma lutte très ciblée. Car, qu'on ne s'y trompe pas, je suis respectueuse de l'Arabie Saoudite comme de l'Islam, et je ne voudrais pas que l'on croie que je combats l'un ou l'autre... Je ne condamne ni nos traditions, ni notre culture, ni nos règles, je m'élève simplement contre ceux qui les ont détournées et qui ont érigé un nouveau code au nom d'Allah. »... « Je ne vois pas au nom de quoi nous ne pouvons pas obtenir une carte d'identité, ni un passeport, sans l'accord de notre mari ou de notre père. » Rania Al Baz est la première animatrice de télévision « jeune ». « Seules quelques femmes, d'un certain âge, ont occupé ce poste avant moi. Mais une présentatrice de 20 ans, qui de surcroît prépare des sujets dynamiques, cela ne s'était jamais vu. Pour toutes ces raisons, mes apparitions sur le petit écran ne passaient pas inaperçues. C'était une révolution, tout le monde en parlait. » Aujourd'hui, elle vit seule avec ses enfants... « A trente ans, j'entends être enfin majeure, et tant pis si certains me rejettent. Celui qui aime Dieu connaît les frontières de l'interdit. Il n'a besoin de personne pour les lui fixer. »