L'affaire de la tentative d'assassinat du commissaire du port d'Alger connaît un nouveau rebondissement. Deux agents relevant de la brigade de la police des frontières, dont l'auteur des tirs, ainsi qu'un civil ont été placés sous mandat de dépôt. L'enquête interne ouverte par la Sûreté nationale s'intéresse au climat de travail dans le service de la victime. Quelques semaines après l'incident qui a failli coûter la vie (vers la fin du mois de mai dernier) au commissaire principal, chef de la brigade de sécurité du port d'Alger, les premières décisions de la justice commencent à tomber. Ainsi, le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger a placé sous mandat de dépôt un civil et deux policiers de la BFM (brigade de la police des frontières maritimes) du port d'Alger, dont l'auteur des tirs qui ont ciblé le commissaire principal, le blessant grièvement. Selon des sources proches du dossier, c'est la thèse de la corruption qui a été retenue contre le policier auteur de la tentative d'homicide. Et c'est à ce titre que le corrupteur, à savoir le civil, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt. Corruption ou conditions de travail difficiles ? Pourtant, plusieurs collègues du policier auteur des tirs affirment que «l'acte de ce dernier en réalité trouve ses raisons ailleurs que dans une affaire de corruption et quelle corruption ? Un billet de 1000 DA qu'aurait perçu le mis en cause». Selon eux, «la hiérarchie veut à tout prix justifier l'incident par la corruption alors que tout le monde sait que les raisons d'un tel drame sont ailleurs». Certains officiers dénoncent les conditions de travail dans lesquelles ils exercent, précisant à ce titre que l'enquête interne menée actuellement par l'Inspection générale des services (IGS) «ne s'est pas arrêtée au billet de 1000 DA». Elle a pris en compte les circonstances dans lesquelles a eu lieu l'incident, ainsi que les raisons qui ont poussé le jeune policier, père de deux enfants, à user de son arme de service. «L'IGS s'est intéressée surtout aux conditions socioprofessionnelles dans lesquelles exerce le personnel de la brigade de la police des frontières maritimes du port d'Alger», notent nos interlocuteurs. Ils ne manquent pas de rappeler que «malgré le drame qui a secoué leur service, la situation ne s'est pas pour autant améliorée. D'ailleurs à peine quelques jours après, une note du chef de service (n°5057/SN/DPF/1BFM/SEC), exclut les agents résidant à Alger, Blida et Tipaza, de leur droit à une permission d'une semaine, après 45 jours de travail. Pourtant, ce droit nous a été consacré, rappelé le 24 avril dernier dans un télégramme (n° 35644/SN/DRH/SDP/SECT) du DGSN et diffusé à tous les services. Il a été clairement indiqué que tout fonctionnaire quels que soient son grade et son lieu de résidence doit bénéficier d'un repos d'une semaine après une période de travail de 45 jours». Pour nos sources, l'incident qui a failli coûter la vie au commissaire Lahleb Mustapha, chef de la brigade de sécurité du port d'Alger, «n'était que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase». Selon nos sources, le policier aurait essuyé un refus à sa demande de congé introduite après sa mutation au poste de la Pêcherie. «Le commissaire a refusé, mais le policier a estimé qu'il était en droit de prendre une semaine après plus de 4 mois de travail. Voyant que l'agent insistait, le commissaire lui demande de démissionner, en lui exigeant de déposer l'arme de service après l'avoir accusé de corruption. En colère, l'agent a sorti son arme et l'a pointée sur son officier. Fort heureusement, les coups qu'il a reçus n'étaient pas mortels», rapportent certains policiers témoins, précisant : «Trop d'intérêts sont en jeu et le geste de notre collègue n'est en fait qu'une suite logique du climat de tension que nous subissons.» La Direction générale de la Sûreté nationale a réagi par un communiqué, ou plutôt une mise au point, adressée à la rédaction du journal, juste après la publication des témoignages de certains de ses fonctionnaires sur le climat de tension. La DGSN a nié tout lien entre l'incident et les conditions de travail dans lesquelles exercent ses employés. Selon le général-major Hamel, patron de la police, l'auteur de la tentative d'homicide a été pris la main dans le sac dans une affaire de corruption et lorsque son responsable l'a muté, il a réagi en tirant sur lui.