Ahmed Bendifallah est pharmaco-toxicologue de formation, mais aussi un homme qui a toujours été proche du sport. Issu d'une famille de sportifs, Bendiffalah a été champion d'Algérie de lancer sous les couleurs du MC Alger et de l'équipe nationale d'athlétisme. Il a également été président des Fédéraétions d'athlétisme et d'haltérophilie. - Quelle est votre réaction par rapport aux athlètes Zahra Bouras et Larbi Bouraâda qui ont été contrôlés positifs au cours des meetings en France et en Allemagne ?
Je suis totalement bouleversé d'apprendre que deux athlètes algériens de haut niveau aient été contrôlés positifs à une substance interdite. Cette affaire, qui a fait l'objet d'une hyper médiatisation, tant au plan national qu'international, affectera sans doute les athlètes qui préparent les Jeux olympiques de Londres de 2012. Ce sont les intérêts supérieurs de l'Algérie qui sont touché dans cette affaire. De plus, lors des prochaines manifestations sportives, les athlètes algériens seront dans le collimateur.
- En tant qu'ancien spécialiste du dopage en Algérie et ancien président de la Fédération algérienne d'athlétisme et de la Fédération algérienne d'haltérophilie, nos sportifs d'élites et autres subissent-ils des contrôles antidopage ?
Non. Le cas des athlètes Zahra Bouras et Larbi Bouraâda en est la parfaite preuve. Tant qu'il n'y a pas une volonté politique pour contrôler les sportifs algériens, il y aura encore des scandales de ce même type. Je le dis, haut est fort, que la lutte antidopage chez nous est le côté obscur du sport algérien. L'Algérie était, par le passé, le laboratoire d'expérimentation à l'époque des entraîneurs étrangers. Les entraîneurs qui ont été encadrés à l'époque par des coachs des pays de l'Est ont gardé les mêmes méthodes.
- Est-ce que la pratique du dopage existe en Algérie ?
Ce n'est un secret pour personne dans la mesure où plusieurs athlètes algériens dans les disciplines d'athlétisme, haltérophilie et même dans le football ont été suspendus par le passé pour cause de dopage. Aujourd'hui, ce phénomène est en train de se propager en toute impunité. Il faut juste faire un saut au niveau des salles de musculation où les hormones de croissances (Growth) sont disponibles au vu et au su de tout le monde, alors que ces substances médicales sont rares, voire introuvables au niveau du CPMC de l'hôpital Mustapha Pacha.
- Les produits dopants sont-ils commercialisés chez nous ?
Exactement. Les produits dopants se vendent dans nos pharmacies. Il faut savoir qu'ils sont destinés, en premier lieu, à la médecine humaine et vétérinaire. Malheureusement, ils ont été déviés de leurs objectifs principaux. Le Stanozolol existe sous plusieurs appellations commerciales, comme Stromba, Winstrol, Stanabol, etc. Outre les officines de pharmacie, il y a des produits qui sont introduits en Algérie via nos aéroports et ports de manière illégale. Le business est très lucratif et est dirigé par les nouveaux dealers. Il y a des hormones, dont le prix oscille entre de 10 000 et 70 000 DA. - Y a-t-il des moyens pour lutter contre que ce nouveau phénomène ?
Il faut d'abord instaurer une loi pour incriminer le dopage en Algérie. Ceux qui sont versés dans la vente des produits dopants sont également derrière le commerce de la drogue ainsi que celui des psychotropes. Ces derniers profitent du vide juridique pour imposer leur diktat. Il est temps de mettre un terme à l'omerta.
- Face au vide juridique, ne serait-il pas plus approprié pour les Fédérations sportives de procéder elles-mêmes aux contrôles de leurs sportifs, notamment à la veille des échéances internationales ?
Cela peut se faire. Je l'avais déjà fait, lorsque j'étais président d'haltérophilie. J'avais autorisé une opération de contrôle antidopage sur mes athlètes la veille d'une compétition internationale. J'ai moi-même pris les échantillons en France. Ces derniers se sont avérés tous négatifs. Donc, comme je le dis, c'est faisable, mais les Fédérations ne jouent pas le jeu prétextant que ces opérations coûtent cher. Ce qui est faux.