La majorité des Français d'aujourd'hui ne se sentent pas coupables des crimes commis par l'armée durant la période de colonisation. Ils optent pour la reconnaissance des massacres et de la torture. La demande d'Alger pour le pardon ou le repentir ne pourrait les convaincre puisqu'ils n'ont pas été acteurs du fait colonial.» C'est en ces termes que Gilles Manceron, historien spécialiste du colonialisme, résume son intervention qui a eu lieu, hier à Alger, dans le cadre de la rencontre internationale «Algérie 50 ans après, il faut libérer l'histoire». Cette manifestation est organisée à la Bibliothèque nationale d'El Hamma par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) en partenariat avec notre confrère la Tribune. Gilles Manceron, dont la devise est «Affronter le passé colonial», pense que la France officielle post-1962 se trouvait embarrassée pour reconnaître ses crimes. Beaucoup de personnalités françaises se trouvaient impliquées directement dans la colonisation, comme les ex-présidents François Mitterrand (1981-1995) et Jacques Chirac (1995-2007). La reconnaissance trouvait devant elle un obstacle d'ordre personnel. Des révoltes à la Révolution Mais pas seulement. Le professeur Manceron met en relief des raisons politiques : la France est le pays émetteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Elle ne pouvait rendre publique ses exactions. Pour Gilles Manceron, il aura fallu 50 ans après l'indépendance de l'Algérie pour que les officiels français fournissent des efforts pour assumer cette page d'histoire coloniale. Il pense aussi qu'avec l'élection, en mai dernier, du candidat du Parti socialiste, François Hollande, la lutte pour la reconnaissance gagnera du terrain. Le nouveau gouvernement changera de discours également. Même si cette question ne se résume pas à un débat entre la gauche et la droite. Outre la nécessité de la reconnaissance par la France des crimes de la colonisation, Gilles Manceron plaide pour la remise en cause des histoires officielles. Des chercheurs ont longtemps statué le 20 août 1955 comme le déclenchement de la guerre d'indépendance. Grâce à Mohamed Harbi, le 1er novembre 1954, date du début de la guerre de Libération, a été authentifié. Claire Mauss-Copeaux, historienne, spécialiste de la mémoire des conflits, dit être allée plus loin dans ses recherches. Elle considère le début du soulèvement du peuple algérien contre le colonisateur à 1830. «Dès qu'il y a intervention d'une force étrangère, il y a forcément une réaction des populations. C'était le cas des Algériens», rappelle-t-elle. Mais comment expliquer les révoltes organisées uniquement par des chefs de tribu avant 1920 ? Pour l'historienne, seul le facteur social peut apporter une réponse. Les Algériens étaient organisés et structurés dans un cadre tribal. L'invité de la rencontre focalise par ailleurs sur le rôle joué par Messali Hadj, qui a donné un caractère national à l'élan indépendantiste.Sauf qu'en 1954, la jeune génération, issue de la base du PPA-MTLD, ne pouvait attendre.