Photo : S. Zoheir Par Karima Mokrani Le fait colonial n'a rien de positif. L'historien français Gilles Manceron, spécialiste du colonialisme français, est catégorique. Invité hier au séminaire organisé par le quotidien la Tribune, intitulé «Algérie 50 ans après : libérer l'histoire», l'auteur de Gauche persiste et signe. Pour lui, la France coloniale ne peut aucunement prétendre avoir mené des actions civilisatrices en Algérie ni n'a réussi à faire adhérer son peuple à «ses missions de modernisation». L'Algérie n'a jamais été française et l'idée de colonisation n'a jamais été acceptée par le peuple algérien. Pour preuve, a souligné l'intervenant, «la défaite de la colonisation française, cristallisée par l'indépendance de l'Algérie démontre en soi la faillite du système coloniale». Aussi, poursuit-il, «le discours des responsables à visières français est un discours de justification de la colonisation et de ses bienfaits pour les peuples». Or, depuis l'indépendance de l'Algérie, ce discours est marqué une gêne. «Le silence gêné a remplacé le discours arrogant, laissant le champs libre à tous les stéréotypes et les clichés de la période coloniale.» M. Manceron note que le fait colonial a toujours suscité des débats en France. Toutefois, le regard colonial a toujours triomphé. Les nostalgiques de l'Algérie française réfutent tous les crimes coloniaux en Algérie, les justifiant par la nécessité de riposter à la barbarie des autochtones. «Que faire pour faire taire ces courants nauséabonds sur le fait colonial ?» s'interroge Gilles Manceron. «Il est clair que pour la France, il y a nécessité de revenir sur cette page de son histoire. Le devoir de prise de distance avec la colonisation et la guerre d'extermination contre le peuple algérien». Résumant son approche, il dira «le colonialisme n'a absolument aucun aspect positif. Bien au contraire. Il est contradictoire avec les valeurs françaises des droits de l'Homme». D'où la nécessité de se pencher sur les conséquences diverses de la colonisation, notamment le devenir des peuples qui ont croisé la colonisation. Le conférencier, ayant développé le thème «La nécessaire reconnaissance par la France des crimes de la colonisation et la remise en cause des histoires officielles», soutient que le principal obstacle au travail des historiens, c'est la vision unique. D'où la nécessité de multiplier les regards et avoir un traitement pluridisciplinaire de ces questions en relation avec l'histoire des peuples. Côté français, poursuit-il, «l'histoire officielle doit se débarrasser des mythes coloniaux qui perdurent malgré quelques progrès notamment en ce qui concerne les événements de mai 1945 dans le Constantinois et du 17 octobre 1961 à Paris». Aussi, «malgré cela, d'autres pages restent méconnues et même manifestement erronées, particulièrement les événements du 20 août 1955. Un épisode méconnu par les Français et où l'on procède à une victimisation de la population européenne». Et l'invité de l'Algérie d'insister, encore une fois, sur la nécessité pour la France de «reconnaître ses crimes coloniaux, à commencer par la conquête de l'Algérie, la violence contre sa population et la destruction de toute la société algérienne depuis 1830».