L'Algérie est en retard en matière de paiement électronique, pour des raisons à la fois d'ordre culturel et structurel. «Dans leurs transactions quotidiennes, les gens ne font confiance qu'aux liquidités. Il est difficile de convaincre le citoyen de la nécessité de changer son mode de paiement !» Ces mots d'une responsable d'agence bancaire CPA illustrent, si besoin est, la culture du cash dans les transactions commerciales, fortement prégnante dans la société algérienne. «Le citoyen nourrit une peur bleue, souvent infondée, que son compte bancaire soit siphonné s'il lui arrive d'effecteur des opérations d'achat avec une carte bancaire», déplore-t-elle. Pour son collègue, le consommateur n'est pas encore habitué à ce nouveau moyen de paiement, pourtant beaucoup plus efficace et mieux sécurisé. «L'Algérien se contente de retirer son argent liquide des distributeurs automatiques de billets (DAB) pour ensuite le dépenser en cash. Il entretient une relation spécifique avec les billets de banque. C'est ce qui explique sa méfiance. Si le recours aux chèques n'est pas la règle, que dire alors des cartes bancaires», glisse-t-il.Preuve de la défiance des citoyens, cette agence bancaire a installé 17 terminaux de paiement électronique (TPE) dans l'Algérois. «Uniquement deux fonctionnent, le reste des terminaux a été mis dans le tiroir», indique notre interlocutrice. Réticence des citoyens En revanche, la réticence des citoyens n'explique pas tout. «Les commerçants de proximité, par exemple, rejettent cet outil moderne dans leurs transactions et préfèrent le paiement en espèces pour échapper au fisc», accuse un autre banquier. Selon lui, ce mode de paiement permet une traçabilité des transactions effectuées par les commerçants utilisant le TPE, qui sont soumis à une taxe forfaitaire et redoutent un redressement fiscal. En 2002, le projet «Système de paiement interbancaire» a été lancé mais ce n'est qu'en 2006 qu'il a réellement démarré, alors que l'année 2007 a vu le déploiement de la carte CIB à l'échelle nationale et la généralisation du paiement interbancaire en novembre de la même année. Depuis, on ne se bouscule pas au portillon pour demander une carte bancaire. Si le taux de bancarisation est de 4%, l'utilisation des cartes de paiement ne dépasse pas les 10%, selon les chiffres de la Société d'automatisation des transactions interbancaires et de monétique (Satim). Jusqu'ici, seuls les grands hôtels, les aéroports, certaines stations-service, grandes surfaces et officines disposent de ce moyen de paiement. «Mais leur nombre reste insuffisant», font remarquer les deux responsables. En 2011, le réseau des TPE dépassait à peine 3000 appareils. Quant aux DAB, il en existe 800 au niveau des banques et près de 450 au niveau des bureaux d'Algérie Poste. Manque de campagne de sensibilisation Le nombre de cartes CIB en circulation ne dépasse pas le million. L'année dernière, les détenteurs de ces cartes n'ont effectué que 5900 opérations de paiement et 5,7 millions opérations de retrait. Sur le plan marketing, la carte de paiement n'a pas bénéficié de campagne de sensibilisation et de publicité auprès des clients à même de les amener à l'utiliser. Les banques algériennes et établissements financiers ont été pointés du doigt dans le retard de l'émergence du paiement électronique. Karim Djoudi, ministre des Finances, le leur a fait savoir de vive voix, leur enjoignant d'être offensives. Selon ces banquiers interrogés, il faut encore beaucoup de temps aux Algériens pour adopter ce mode de règlement de leurs factures. «Les banques devraient mener une campagne de vulgarisation à large échelle sur l'usage des cartes interbancaires», plaident-ils, d'autant plus que la qualité des billets de banque en circulation ne cesse de se dégrader.