Le recours au spectacle pyrotechnique pour marquer le cinquantenaire de l'indépendance nationale cadre parfaitement avec la nature d'un pouvoir qui n'a de cesse d'user d'artifices dans la gestion des affaires du pays. Pourtant, cette démonstration technique, payée à coups de millions de dollars, ne peut pas couvrir ni éclipser un abîme de détresse créé dans le pays au bout de décennies de gabegie, de corruption et d'incompétence. L'on a demandé aux Algériens de lever les yeux au ciel pour oublier la misère dans laquelle ils pataugent, croire à des lendemains illuminés après tant d'années de mensonges, d'échecs et d'illusions perdues. Comme si les gouvernants et leurs communicants étaient convaincus que la parole officielle n'a plus de crédit auprès des simples gens, l'on a préféré faire l'impasse sur le discours présidentiel, se contentant de fresques et d'images du chef de l'Etat sous d'étonnants atours. Il n'y aura aucun mot ni sur le bilan d'une gestion plus chaotique qu'éclairée ni sur des perspectives qui feraient miroiter, une ultime fois, les promesses de changement et d'ouverture. Pour entendre la parole présidentielle, il faut avoir accès à des médias étrangers mais, là aussi, les déclarations officielles sont voilées par les échos de l'indignation des professionnels de la presse. L'initiative publicitaire consistant à acheter des espaces dans la presse mondiale a tourné à une intrusion malencontreuse dans un magasin de porcelaine. Le fameux projet de devenir le «rédacteur en chef» des médias, proclamé il y a une décennie, connaît un triste épilogue avec un retentissement international. Les présentes festivités marquant le cinquantenaire montrent, en fait, le fossé entre l'Algérie officielle et le pays réel. Le pouvoir organise son autoglorification en puisant sans retenue dans le Trésor public, au moment où la détresse sociale s'accentue de jour en jour, où des millions d'Algériens sont privés de soins, de logement et d'emploi. Beaucoup de citoyens préféreraient que leur route soit bitumée, que le dispensaire du village soit équipé et que les vaccins et les médicaments soient disponibles, en lieu et place de cette folle débauche de budgets pour marquer, en vérité, l'étonnante longévité du pouvoir en place. Lorsque la démocratie sera assise, l'autoritarisme et la corruption enrayés des centres de décision, l'indépendance nationale sera alors fêtée sans artifice ni mise en scène.