Nommé, en juin, à la tête de l'équipe première du Paris Football Club (3e division française), Olivier Guillou a dû se résoudre à quitter précipitamment l'Algérie. L'ancien directeur de l'Académie du Paradou a pour ambition d'amener, dans les six ans à venir, sa formation en Ligue 1. Pour concrétiser ce projet, le nouvel impétrant compte s'appuyer sur ses académiciens à travers l'Afrique. Trois Algériens doivent rejoindre Paris à partir du 15 juillet. En exclusivité pour El Watan, le technicien français revient sur sa formidable aventure en Algérie. Il explique également le choix des jeunes pépites algériennes. -Pensiez-vous être à Paris, fin juin, à la tête du Paris Football Club ? Je ne pensais pas débarquer fin juin. Je m'attendais à venir, car les discussions étaient en cours depuis le mois de mars. J'ignorais que je serais là en tout début d'année. C'était maintenant ou l'année d'après. Cela s'est fait un peu dans l'urgence ! -Que retenez-vous de votre passage en Algérie ? J'ai passé cinq années magnifiques ! J'ai reçu un accueil chaleureux à Alger quand je suis arrivé, puis dans toutes les villes du pays lors des différentes prospections. J'ai vu beaucoup de bons joueurs et d'enfants qui aiment le football. Des joueurs techniques et assez individualistes, mais qui ont soif d'apprendre. A partir du moment où on s'occupe d'eux, on ne peut qu'avoir de bons résultats. -Qu'avez-vous appris de cette expérience ? Je ne savais pas à tel point l'Algérie aimait le football. Dans beaucoup de pays, c'est le sport roi. En Algérie, ça dépasse l'entendement ! J'ai été surpris par l'amour qu'ont les petits Algériens pour ce sport. Ils ont une faculté à reproduire ce qu'ils voient à la télévision. Les bons et les mauvais côtés. Il faut d'ailleurs les aider à faire le tri. C'est surprenant de voir que l'Algérie recèle autant de talents. Plus les années passaient, plus on trouvait de bons joueurs. C'est un peuple qui est fait pour cela. Ce sont les «Brésiliens» d'Afrique ! -Quel bilan sportif faites-vous de vos cinq années passés en Algérie ? Un très bon bilan sur l'Académie. On a actuellement trois promotions, soit quarante joueurs. Je pense que beaucoup d'entre eux pourront venir faire une bonne carrière en Europe. Ceux qui n'y arriveront pas, évolueront au moins dans le championnat algérien. -Les objectifs que vous vous étiez fixés ont-ils été atteints ? En termes de résultats, ils sont atteints. En ce qui concerne les infrastructures, les dirigeants du Paradou ont tout fait pour mettre à notre disposition les meilleures installations possibles. Cela signifie qu'en Algérie, quand on veut on peut. Les objectifs de départ étaient de former de bons joueurs avec une qualité de jeu assez homogène. L'idée était aussi qu'ils représentent, plus tard, l'ossature de l'équipe nationale. C'est encore tôt, mais d'ici quatre-cinq ans les joueurs arriveront à maturité. L'Algérie pourra compter sur un grand nombre d'académiciens. -Quelle est la spécificité du joueur algérien par rapport aux autres jeunes Africains ? Il y a une spécificité purement physique qui est l'endurance. Ce sont des jeunes super-doués techniquement. Ils en rajoutent comme tous les joueurs pétris de qualités. -Que faudrait-il faire pour améliorer la formation en Algérie ? Il faudrait plus de moyens et d'infrastructures. Les gros clubs algériens devraient se pencher davantage sur la formation, car visiblement tout l'argent est dépensé pour le groupe professionnel. Il y a beaucoup d'enfants qui sont délaissés. Les conditions d'entraînement sont par ailleurs vétustes. J'ai vu des choses assez aberrantes, alors que l'Algérie a des possibilités financières. Qu'on laisse un peu plus la place aux jeunes et qu'on s'occupe un peu plus d'eux. La pâte existe. Il y a beaucoup à faire. -L'Académie du Paradou peut-elle être un exemple ? Je le souhaite. Que d'autres personnes prennent le chemin que nous avons pris. Faire confiance aux jeunes, bien les encadrer et être patient. La formation est une entreprise à moyen ou long terme. Vous avez décidé de ramener avec vous trois jeunes issus de l'Académie du Paradou. Sur quels critères les avez-vous choisis ? Ils ont été sélectionnés en fonction de leur maturité technique, tactique, physique et mentale. C'est peut-être un peu prématuré dans la mesure où ils sont dans leur 19e année. C'est aussi le bon moment pour eux de venir tenter leur chance en France, de finir leur formation et de prendre goût à la compétition avec des objectifs et une vie professionnelle. L'Académie, c'est un début. Ce n'est pas comme quand on rentre dans la vie active. Là, il va y avoir la compétition, un championnat, des contrats et une vie d'homme à mener. Ces joueurs vont nous apporter une touche technique supplémentaire. -Répondent-ils aux besoins du PFC aujourd'hui ? Ils y répondent dès l'instant où ils ont choisi de travailler au PFC, avec la philosophie de jeu prônée à l'Académie. Pour cela, il nous faut des joueurs qui ont déjà l'abc. -A partir de quand seront-ils disponibles ? Ils ont rendez-vous aujourd'hui, 11 juillet, à l'ambassade de France pour les visas. On espère les avoir au plus tôt le 15 juillet. Le championnat débute le 4 août. -Y en a-t-il d'autres qui pourraient suivre ? C'est une discussion à avoir avec notre partenaire sur place, M. Zetchi, le président du Paradou, et le financier qui est à 50/50 avec nous. Sur la première promotion, il peut y avoir jusqu'à six joueurs qui peuvent venir. Mais il y a la barrière de l'âge. Tant qu'ils n'ont pas atteint leurs 18 ans, ils ne peuvent pas quitter le territoire. Mais dès l'année prochaine, trois autres pourraient venir nous rejoindre. On a vraiment envie de donner une identité de jeu académique. Il y a aussi les joueurs du cru et du PFC qui travaillent dans le même sens que nous. Les meilleurs joueront. La balle est dans le camp des jeunes. La concurrence sera saine. La priorité est donnée au talent. C'est le seul critère. A eux de travailler et de nous montrer qu'on peut compter sur eux. Ils pourront jouer en faisant une belle carrière et répondre à nos attentes. -Les académiciens n'ont participé à aucun championnat. Pensez-vous qu'ils seront rapidement opérationnels ? Ce n'est pas un problème. Ils ont fait beaucoup de matches. La compétition est permanente à l'Académie. Chaque jour, il y a des oppositions. Là, ils vont jouer contre des joueurs qu'ils ne connaissent pas. Cela va peut-être les surprendre au départ, mais ils seront très vite dans le bain. On joue le même football dans chaque académie. S'ils n'ont pas de problème technique, tactique ou physique, ils s'intègreront très vite. -Comment voyez-vous leur intégration parmi les différentes équipes du club dans les prochains mois ? Ils viennent surtout pour jouer en équipe première. Ils font partie de cet effectif et ont des contrats fédéraux. Il se peut que certains aient besoin d'une adaptation et de passer par la réserve, en CFA2 (cinquième division). Il n'est pas question qu'ils jouent avec les U19 nationaux, sauf s'il y a un besoin ponctuel en Gambardella (équivalent de la Coupe de France chez les jeunes). L'objectif, c'est qu'ils intègrent l'équipe fanion. A eux de faire leur place. Je suis assez confiant. -Quelle est la feuille de route de ces académiciens au PFC ? L'objectif est de monter en Ligue 1 dans les six ans. Les joueurs ont un objectif collectif et personnel. S'ils doivent quitter le PFC, c'est pour aller le plus haut possible et dans les plus grands clubs.