Bien que paraissant dépassés par les nombreuses crises régionales qui endeuillent le continent depuis des mois, les participants au 19e sommet de l'Union africaine (UA) se sont déclarés, hier à Addis-Abeba, prêts à contribuer à une force de paix régionale contre les rebelles dans l'est de la République démocratique du Congo. L'organisation panafricaine a également durci le ton vis-à-vis des autorités maliennes auxquelles il a été demandé d'accélérer le retour à la légalité constitutionnelle. Il reste maintenant à concrétiser tous ces vœux. Pas évident, surtout lorsqu'on sait que les caisses de l'UA sont désespérément vides.Face à l'adversité, le président en exercice de l'Union, le Béninois Thomas Boni Yayi, a exhorté, au premier jour du sommet – dominé aussi par une élection à un poste-clé de l'organisation, celle du président de la Commission africaine – ses membres à l'unité. Aussi a-t-il fait de ce scrutin un test de la capacité de l'organisation «à unifier» le continent africain. Pour donner l'exemple, les présidents du Soudan du Sud et du Soudan, dont les Etats entretiennent des relations très tendues, se sont serrés chaleureusement la main à l'ouverture du sommet. Salva Kiir et Omar El Béchir s'étaient déjà rencontrés samedi soir, pour leur première discussion directe depuis les combats frontaliers ayant amené leurs pays au bord d'une guerre ouverte, en mars et avril. La sempiternelle crise des Grands Lacs S'agissant particulièrement de la situation dans les Grands Lacs, le président sortant de la Commission, le Gabonais Jean Ping, a ainsi fait savoir que l'UA «est disposée à contribuer à la constitution d'une force régionale pour mettre un terme définitif aux agissements des groupes armés» dans l'est de la RDC. Des soldats mutins se revendiquant d'un «Mouvement du 23 mars» (M23) ont retourné leurs armes, ces derniers mois, contre les forces régulières de RDC, auxquelles ils avaient été intégrés dans le cadre d'un accord de paix avec Kinshasa signé le 23 mars 2009, et conquis plusieurs localités de l'est du pays. Un rapport de l'ONU accuse le Rwanda voisin de soutenir ces rebelles, ce que Kigali dément. Les chefs des Etats membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), une organisation régionale, ont commencé hier après-midi à discuter de cette crise, en marge du sommet qui durera jusqu'à aujourd'hui. Ils devaient notamment étudier une proposition de leurs ministres des Affaires étrangères de «travailler avec l'UA et l'ONU pour la mise en place immédiate d'une force internationale neutre pour éradiquer le M23 (...) et toutes autres forces négatives dans la région des Grands Lacs». Aucune précision n'a été apportée à ce stade sur la coordination entre une telle force et les 17 000 militaires et 2000 civils de la mission de l'ONU (Monusco) déployée depuis fin 1999, principalement dans l'est instable du pays. Samedi, une réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA, consacrée aux principales crises sur le continent, s'était par ailleurs achevée par une mise en garde sévère adressée aux autorités maliennes. Le CPS les a enjointes d'accélérer le processus de transition politique consécutif au coup d'Etat militaire de mars. «L'unité nationale et l'intégrité territoriale du Mali ne peuvent faire l'objet d'aucune discussion ou négociation», a rappelé le CPS, soulignant la «détermination de l'Afrique de n'épargner aucun effort pour leur préservation». Les Touareg renoncent à créer un Etat séparé du Mali Les consultations menées sur la situation au Mali et le communiqué du sommet du CPS dénotent une «convergence totale» de l'ensemble des Etats africains quant à une solution politique au Mali préservant l'intégrité territoriale de ce pays, a indiqué à ce propos hier à Addis-Abeba le commissaire à la paix et à la sécurité de l'Union africaine (UA), Ramtane Lamamra. «A la faveur de toutes les consultations et à la lecture du communiqué ayant sanctionné le sommet du CPS, il ressort qu'il y a une convergence totale d'analyses et d'actions de l'ensemble des acteurs africains» sur la question malienne, a déclaré M. Lamamra à la presse, précisant qu'il s'agit «de donner toute sa chance à la recherche d'une solution politique à la crise malienne». Cette solution politique consiste, a-t-il ajouté, en la mise en place par les forces maliennes d'un gouvernement d'union nationale dans les délais «les plus rapprochés» (avant le 31 juillet 2012) car, a-t-il expliqué, le gouvernement d'union nationale «gagnera en légitimité, en force, en stabilité et en capacité à formuler très rapidement une feuille de route pour la gestion de la période transitoire de 12 mois». «Cette feuille de route devra nécessairement inclure la prise en charge des exigences du règlement de la crise dans le nord du Mali», a-t-il encore précisé. «Nous avons confiance que, sur la base des décisions arrêtées par le CPS, nous parviendrons à aider nos frères maliens à réaliser cette première étape (gouvernement national) nécessaire à la restructuration, la construction et le renforcement du propre secteur de défense et de sécurité malien afin que les Maliens eux-mêmes puissent être prêts à assumer leurs responsabilités régaliennes face aux exigences de sortie de crise rapide», a soutenu M. Lamamra. La solution politique prônée par l'UA a des chances de trouver un écho favorable sur le terrain, surtout depuis que les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qui s'étaient emparés du nord du Mali en avril, ont annoncé avoir renoncé à leur intention de créer un Etat séparé. «Nous aspirons à une indépendance culturelle, politique et économique mais pas à la sécession», a déclaré hier à Reuters par téléphone Ibrahim Ag Assaleh, l'un des dirigeants du MNLA. Cette annonce devrait sans doute être accueillie favorablement par l'Algérie et la médiation de la Cédéao. A Alger et en Afrique de l'Ouest, l'on se montre en effet convaincus que si le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) se détache de la revendication séparatiste et que le groupe Ançar Eddine s'éloigne d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), il est possible de recoller les morceaux au Mali sans passer par la guerre.