Le Tribunal pénal fédéral suisse a estimé hier, dans un communiqué, que le général-major à la retraite Khaled Nezzar ne pouvait bénéficier de l'immunité pour des actes commis entre 1990 et 1993 . Il risque, dans les prochains mois, un procès pour «crimes de guerre». Le général-major à la retraite, Khaled Nezzar, 75 ans, pourrait être convoqué de nouveau par la justice suisse. Une décision a été rendue publique, hier, stipulant qu'il ne peut pas bénéficier d'immunité pour des actes commis durant son mandat, c'est-à-dire lorsqu'il occupait le poste de ministre de la Défense nationale entre 1990 et 1993. La décision a été adoptée par les juges (Stephan Blättler, président, Giorgio Bomio et Patrick Robert-Nicoud) de la cour des plaintes du tribunal pénal fédéral (TPF), le 25 juillet dernier. L'organisation non gouvernementale Trial (Track Impunity Always) qualifie cette décision d'«historique». L'association est à l'origine de l'ouverture de l'instruction judiciaire contre le général Nezzar qui a pris son départ d'une démarche initiée par deux ressortissants algériens, bénéficiaires de l'asile politique en pays helvétique. Ces deux ressortissants avaient sollicité l'ONG Trial afin de porter plainte contre Khaled Nezzar pour «crimes contre l'humanité». Informé de sa présence à Genève (Nezzar affirme dans le PV rencontrer le docteur Bouregois pour essayer d'arrêter de fumer), le ministère public de la confédération a ordonné un mandat d'amener le 19 octobre 2011. Conduit le même jour par les agents de l'ordre genevois à l'hôtel de police, Khaled Nezzar a été auditionné par la procureur fédérale, Laurence Boillat, les 20 et 21 octobre. Objet : répondre à des accusations de «suspicion de crimes de guerre». Après une nuit passée en cellule, il est libéré. Il a promis de collaborer avec la justice suisse en cas de poursuite de la procédure ou de sa convocation (lire le PV d'audition dans nos éditions des 24 et 25 octobre 2011). Quelques jours plus tard, le général-major à la retraite désigne trois avocats pour le représenter : maîtres Jacques Michod, Marc Bonnant et Magali Buser. Par le biais de ces derniers, Khaled Nezzar introduit un recours contre les poursuites dont il fait l'objet. L'instruction est interrompue. Le mis en cause souligne que «sa fonction de ministre de la Défense et celle de membre du Haut comité d'Etat (1992-1994), à l'époque des faits, le protégeaient d'éventuelles poursuites pénales en Suisse». Mais la réponse du TPF est sans équivoque : «Il serait à la fois contradictoire et vain si, d'un côté, on affirmait vouloir lutter contre ces violations graves aux valeurs fondamentales de l'humanité et, d'un autre côté, l'on admettait une interprétation large des règles de l'immunité», conclut l'instance. La juridiction ajoute : «Il est exclu d'invoquer une immunité pour des faits si graves qui pourraient constituer des crimes internationaux, en l'occurrence des crimes de guerre.» La première réaction de Philip Grant, directeur de Trial, ne s'est pas faite attendre : «Cette décision est un précédent d'une importance considérable, qui aura une répercussion au-delà de nos frontières et qui donne un signal très fort aux bourreaux, à l'avenir. Ceux-ci ne pourront plus se cacher derrière leur fonction officielle pour commettre des atrocités.» Dans un précédent entretien à El Watan, Philip Grant n'écartait pas «la possibilité qu'un jugement par contumace soit prononcé à l'encontre du général-major, s'il ne répond pas à une convocation ultérieure de la justice de la confédération», (lire cet entretien dans notre édition du 27 octobre 2011).Notons que «le droit suisse autorise la poursuite de certaines infractions au droit international, notamment les violations des Conventions de Genève, dès lors que le suspect se trouve sur le territoire suisse». Pour lire l'intégralité de la décision du TPF : http://www.trial-ch.org/fileadmin/user_upload/documents/affaires/algeria/BB.2011.140.pdf