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«Nous exigeons un bilan détaillé du plan de relance» Amar Takdjout. Secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et du cuir
Le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et du cuir, Amar Takjout, évoque dans cet entretien la mise en œuvre du plan de relance initié pour le secteur. Selon lui, une année après son lancement, aucun bilan ne permet d'évaluer son application. L'absence de dynamisme et la lenteur avec laquelle évolue le secteur poussent ce responsable à croire qu'il serait difficile de réaliser, dans les délais voulus, tous les objectifs assignés à ce plan. -Plus d'une année après le lancement du plan de relance initié au profit de la filière textile, où en est-on aujourd'hui ? C'est un plan qui a été décidé en mars 2011 par le Conseil des participations de l'Etat (CPE) qui a validé toutes les mesures à prendre au profit du secteur. Depuis, nous entamons presque la deuxième année et aucun bilan n'est disponible pour nous permettre d'évaluer la situation, comme si les pouvoirs publics et le ministère de tutelle, en particulier, étaient absents. La traduction des mesures prise par le CPE sur le terrain n'a pas fait l'objet d'évaluation. Le ministère de l'Industrie devrait être regardant sur l'application de ce plan, d'autant que les choses ne semblent pas avoir bougé. Nous sommes en contact permanent avec le terrain et la situation nous donne l'impression qu'il n'y a pas eu d'évolution. Certes, il y a, actuellement, une certaine stabilité, moins de problèmes et les comptes des entreprises seraient assainis. Mais nous ne sentons pas cette dynamique et cette relance auxquelles on s'attendait. Le processus paraît très lent et nous risquons d'atteindre l'année 2014 sans avoir réalisé les objectifs assignés à ce plan de relance. C'est une inquiétude que nous ressentons et que nous portons à l'intention du ministère de tutelle. Sa responsabilité est toute engagée devant l'Etat et l'opinion publique. -Qu'est-ce qui empêche, à votre avis, l'application de ce plan ? Ce qui est sûr, c'est qu'il il y a réellement un sérieux problème, mais nous ne savons pas exactement de quoi il s'agit. Est-ce que c'est l'environnement hostile qui freine l'entreprise et l'empêche de prendre son élan ? Est-ce le management à l'intérieur de l'entreprise qui pose problème ? En tout cas, nous exigeons l'élaboration d'un bilan détaillé de l'application du plan de relance, car c'est de l'argent du contribuable qu'il s'agit. -Concrètement, quels sont les objectifs arrêtés pour ce plan ? Il a été décidé de dégager 2 milliards de dollars, dont 60% consacrés à assainir la situation financière des entreprises en prenant en charge tout le volet endettement (bancaire, fiscal et parafiscal). Les 40% restants sont consacrés à l'investissement et la formation. L'objectif principal étant de parvenir à récupérer 15% de parts de marché du textile national. Le secteur détient seulement 5% des parts de marché et nous devons, grâce à ce plan, atteindre, à l'horizon 2015, au moins 20% de parts de marché. -En attendant d'atteindre cet objectif, quelle est la situation actuelle des entreprises du secteur ? Le plus sérieux problème auquel ces entreprises font face est lié aux difficultés d'approvisionnement en matières premières. Beaucoup parmi celles activant dans le domaine du textile sont en rupture de stocks de matières premières. Cela fait plus d'une année qu'on a pas eu ne serait-ce qu'un kilo de coton.Cette situation est due au contraignant code des marchés publics qui, depuis son adoption, a perturbé la balance financière des unités de production de textile. Beaucoup d'appels d'offres lancés pour l'importation de matières premières ont été déclarés infructueux, parce que le nouveau code des marchés comporte de nombreuses contraintes pour les membres du comité d'étude des marchés. Ces derniers ont peur d'engager leur responsabilité et refusent pratiquement toutes les soumissions de crainte de poursuites pénales. L'erreur, aujourd'hui, c'est que ces gestionnaires et les opérateurs économiques, en général, ne s'élèvent pas contre ces contraintes. -Ne peut-on pas développer localement une industrie de substitution à l'importation des matières premières ? La volonté politique n'a jamais existé pour cela. Sinon, pourquoi ne fait-on pas de culture de coton ? Une culture qui existait en Algérie jusqu'en 1973.Il y a quelque temps, une décision a été prise en vue de relancer la culture du coton, mais nous espérons qu'elle ne connaîtra pas le même sort que les autres, qui sont restées dans les tiroirs. Je ne comprends pas comment un pays pétrolier comme le nôtre ne dispose pas d'une vraie industrie pétrochimique et ne fabrique pas de la fibre synthétique, du polyester, de l'acrylique et autres matières de base issues de cette industrie. Malheureusement, on préfère recourir à l'importation, qui est devenue le mal de l'Algérie. -L'importation est aussi dans les produits finis… Effectivement, 95% des produits textiles et d'habillement sont importés et plus de 60 millions de paires de chaussures sont vendues par an, alors que les entreprises publiques et privées n'en fabriquent qu'un million. Pourtant, notre pays produit des peaux brutes mais une grande partie de cette production est exportée frauduleusement. Tout ceci fait que les entreprises, publiques ou privées, qui veulent faire de la fabrication et de la transformation éprouvent d'énormes difficultés. Je ne cite que l'exemple des frais de douane imposés à hauteur de 30% sur le tissu importé, même destiné à la transformation, alors que le produit fini est soumis à la même taxe alors qu'il est destiné à la revente. -Que préconisez-vous en tant que fédération ? Je pense qu'il faudrait exiger qu'on investisse dans la production et qu'on limite l'importation. L'organisation et la régulation de l'activité importation se fait de par le monde. Il y a lieu également d'alléger les taxes douanières sur les produits destinés à la transformation et d'instituer des contrôles sérieux dans les milieux de fabrication informels, et ce, pour lutter contre la concurrence déloyale. Aussi, pour préserver les unités de production, il faut mobiliser les marchés publics. On n'a pas le droit de donner des marchés publics à des importateurs ou à des entreprises privées qui ne sont en réalité que des sociétés-écrans travaillant pour le compte des importateurs. Enfin, la question de la formation est aujourd'hui importante. Il faut reprendre, en urgence, toutes les spécialités qui existaient auparavant mais dont la formation n'est plus assurée par nos institutions et nos centres. C'est le cas de l'industrie de la transformation, la maintenance des machines industrielles, la création et la mode, ainsi que les autres disciplines du métier des textiles.