La victoire de Makhloufi aux 1500 m des JO de Londres a ravivé des souvenirs heureux à certains ; parmi eux, la première championne olympique algérienne, Hassiba Boulmerka. Nous avons pensé qu'il serait judicieux de demander les impressions de cette battante de l'athlétisme en particulier et du sport en général. -En tant que première médaillée d'or de l'histoire du sport algérien, quel est votre sentiment suite à la victoire de Makhloufi, lors de ces JO de Londres ? Franchement, vivre une telle émotion, c'est, pour une championne comme moi, me resituer sur la piste et ressentir à cet instant les mêmes efforts que fournissait Makhloufi en finale du 1500 m. Je vous assure que la manière avec laquelle il a mené sa course démontre que c'est un grand athlète, plein de qualités. Il a su très bien gérer sa course et tel un grand de la spécialité, il a démontré, lors de cette soirée mémorable, qu'il était le plus fort. Je suis très contente et fière, parce qu'il a su relever le défi. C'est un grand honneur pour l'Algérie. Je lui dis de tout mon cœur : bravo ! bravo ! Et un grand merci de nous avoir donné cette grande joie. -En tant que spécialiste du 1500 m, avez-vous misé dès le départ sur la victoire de Makhloufi ? Effectivement. J'ai suivi ses courses lors des derniers meetings, où il a participé et il avait très bien couru. Il a également démontré sa progression d'une compétition à l'autre ainsi que sa maîtrise des grands événements. -Seriez-vous de ceux qui disent que cette médaille est l'arbre qui cache la forêt ou ceux qui prétendent que c'est le décollage du sport algérien ? Je pense sincèrement et j'en suis convaincue que la victoire magnifique de Taoufik n'a rien à voir avec une politique sportive. Je dirais même que c'est un arbre florissant où il n'existe aucune forêt derrière. Donc, on est concrètement très loin d'un décollage du sport algérien, comme vous le dites, car la piste de décollage n'est pas encore construite. Cette victoire historique ne reflète aucunement la perfection d'un travail collectif purement organisé et planifié par nos instances sportives. Il faut avouer que le sport algérien est multidisciplinaire et on a vu ses limites lors des récentes participations des délégations algériennes aux JO, aux Jeux africains de Maputo et arabes de Doha. -Que préconisez-vous pour faire des JO de Rio en 2016 un rendez-vous primordial pour les athlètes algériens ? Du moment que vous me donnez l'occasion de m'exprimer sur l'avenir de notre sport, je serais tentée de vous dire que je souhaite que l'on commence par mettre en place une véritable politique sportive de structure pyramidale, et ce, dans les plus brefs délais afin de mettre d'abord de l'ordre dans notre mouvement sportif national. J'avoue que pour les JO de Rio de 2016, on est déjà très en retard. La grande majorité des athlètes qui se sont qualifiés ou ont été invités étaient des trentenaires, éliminés dès les premiers tours. Aussi, on n'a pas vu beaucoup de jeunes talentueux qualifiés à Londres en quête d'expérience pour les prochains Jeux. Nos voisins africains ont participé avec des délégations plus importantes en nombre du double ou triple que la nôtre et beaucoup plus jeunes. Vu sous cette optique, on pourra dire, si les conditions sont réunies, que nous aurons une bonne délégation pour les JO de 2020. -Un dernier mot… Je voudrais lancer un appel à l'opinion publique et aux médias pour qu'ils accordent des circonstances atténuantes aux athlètes, car ces derniers — et là j'en suis convaincue — ils ont fait tout leur possible pour gagner. L'échec est à mettre sur le dos des responsables qui ont failli dans leur mission, à savoir éduquer, planifier, développer, mettre en place un suivi médical et assurer des infrastructures aux normes internationales.