Dans la guerre civile qui ravage la Syrie, les assassinats de journalistes des médias officiels passent presque pour des faits anecdotiques. Assassinats ciblés, enlèvements et disparitions forcées, attentats à l'explosif visant les rédactions des médias, le quotidien des professionnels des médias syriens est fait d'abîme et d'enfer. Dans le bourdonnement de la guerre civile qui ravage la Syrie et la succession sans fin de massacres des populations, les assassinats de journalistes des médias officiels passent presque pour des faits anecdotiques. Les journalistes syriens meurent en silence, dans la quasi-indifférence de l'opinion internationale. Par contre, les reporters étrangers, occidentaux surtout, victimes d'attentats ou de tirs de snipers, ont droit à la lumière et à la contrition universelle. La mort à Homs, en avril dernier, sous les bombardements de l'armée syrienne, de Marie Colvin, 55 ans, correspondante de guerre américaine pour le Sunday Times, et de Rémi Ochlik, 28 ans, reporter-photographe, est la parfaite illustration de ce cynique deux poids, deux mesures. Pourtant, il ne se passe pas un jour sans que des journalistes syriens ne soient pris pour cible. Dernier assassinat en date, celui du journaliste de l'agence officielle syrienne Sana, Ali Abbas, exécuté avant-hier à son domicile à Jdaidet Artouz, dans la province de Damas. Quand l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) accuse «des hommes armés inconnus» d'avoir perpétré le crime, l'agence officielle Sana désigne des «groupes terroristes armés».Vendredi, 10 août, une équipe de reporters de la chaîne de télévision publique Al Ikhbariya a disparu des radars. La reporter Yarah Saleh, le cameraman Abboud Tabarah, son assistant Hatem Abu Yehiah et leur chauffeur Housam Imad accompagnaient une colonne de l'armée syrienne en opération à Al Tal, au nord de Damas. D'après l'OSDH, les journalistes auraient été capturés par une faction rebelle non identifiée. Al Ikhbariya, considérée par l'Union européenne comme «un instrument de propagande au service du président Assad», a été la cible d'un attentat le 27 juin à Drousha (sud de Damas). Des hommes armés avaient lancé un assaut à l'arme lourde contre le siège de la chaîne de télévision syrienne, tuant sept employés, parmi eux des journalistes. Lundi 6 août, les bâtiments abritant la radio-télévision syrienne à Damas sont soufflés par une forte déflagration. Officiellement, l'explosion n'a fait que des blessés. Deux jours avant, le 4 août, Mohammad Al Saïd, présentateur vedette de la télévision officielle syrienne, enlevé à son domicile à la mi-juillet, a été exécuté. Pour que cela «serve de leçon à tous ceux qui appuient le régime», justifie le front Al Nosra, le groupuscule intégriste ayant revendiqué le meurtre. Le 12 juin, deux journalistes d'Al Ikhbariya TV ont été blessés à Al Haffah (gouvernorat de Lattakié, nord-est de la ville : le véhicule dans lequel ils se trouvaient avait été pris pour cible par des tirs d'arme à feu. Mazen Mohammad avait été blessé à la main, le cameraman Fadi Yakoub avait quant à lui été blessé à la poitrine. Par ailleurs, plusieurs rapts de journalistes ont eu lieu. Talal Janbakeli, cameraman de la télévision officielle syrienne, a été kidnappé, le 5 août, par la katiba Haroun Al Rachid qui a revendiqué l'enlèvement. Ahmed Thabet Mohssen, journaliste à Syria-News, un site d'information, a lui aussi disparu depuis le 1er août. Si l'organisation Reporters sans frontières (RSF) se montre prompte à dénoncer les arrestations et exécutions des blogueurs, vidéo activistes et autres «citoyens journalistes», crimes imputés aux forces loyalistes, l'ONG reste toutefois timide, très minimaliste quand il s'agit de victimes comptant parmi les professionnels des médias gouvernementaux. Dans un récent communiqué, RSF fait état d'«exactions en série» contre les médias officiels qu'elle condamne et rappelle que les acteurs de l'information sont protégés par la résolution 1738 du Conseil de sécurité des Nations unies.