Une conférence-débat, marquée par une analyse et une rétrospective du système de soins en Algérie, durant ces cinquante dernières années, a été animée dans la soirée de mardi par deux éminents professeurs dans le cadre du programme des nuits ramadhanesques de l'IDRH. Il s'agit des professeurs Mohamed Mebtoul, un sociologue-chercheur universitaire et Mustapha Bouziani, épidémiologiste, professeurs à l'Institut des Sciences et de la Médecine d'Oran. Dans leur intervention, ce duo de spécialistes a été unanime à déclarer aux médecins et praticiens de la santé publique et invités présents que «le système de soins en Algérie, né à partir de 1962, a été régi par une décision politique avec une absence totale de concertation pour combler un vide légué dans ce domaine par le colonialisme dans les zones rurales, et cela, tout en sachant que l'Algérie indépendante, avec ses 10 millions d'habitants, ne disposait que de quelque 360 médecins nationaux». La notion de santé publique, ont-t-ils ajouté, «est un fait social total et intersectoriel dont l'objectif essentiel et de permettre aux citoyens de vivre mieux et plus longtemps, d'où le lancement, à partir de 1966, de plusieurs campagnes de vaccination et de prévention contre les maladies transmissibles et infantiles» et cela, en sachant qu'à partir de 1972, et ce, jusqu'à 1979, selon le sociologue, «les soins de santé primaire ont été avant tout un élément pour la prise en charge de la santé de la population par la multiplication des structures d'accueil de santé grâce aux hydrocarbures qui ont été nationalisés». Pour sa part, Mustapha Bouziani, spécialiste en épidémiologie, après une critique objective du système de soins durant cette deuxième décennie de l'indépendance, qui ne répondait pas aux exigences et aux besoins de la population, a indiqué que «les structures de santé publiques ou privées étaient, à l'époque, centralisées dans les villes. Le citoyen, pour se soigner et faute de moyens, continuaient à faire appel à la médecine traditionnelle, au guérisseur et au taleb.» «Dès 1973, poursuit-il, pour combler ce vide et lutter contre les disparités, il sera institué ce qu'on appelait ‘‘le médecin militant'', qui participera aux actions de volontariat, surtout dans le domaine de la santé, auprès des populations démunies, et cela, avec la mise en place du système de la gratuité des soins, une mesure sociale à la mode cubaine». Elle sera accompagnée, a indiqué l'orateur, par la restructuration des systèmes des secteurs sanitaires, la réforme de l'enseignement supérieure qui s'était fixé comme objectif le volet de la médecine, la formation annuelle d'un millier de médecins ainsi qu'une politique de natalité. Dans ce domaine, des améliorations ont été enregistrées entre la période allant de 1974 à 1982 grâce à la flambée des prix du pétrole, qui a permis l'érection d'une quarantaine d'hôpitaux à travers plusieurs régions du pays sans l'avis des populations ou des élus. Les deux conférenciers ont évoqué, entre autres, le rôle de la Caisse de sécurité sociale qui disposait d'une manne financière très importante qui servira au transfert des malades pour des soins ou des cures à l'étranger (3000 par an) sans oublier certaines dates phares qui ont marqué ce système, notamment la loi portant promotion de la santé (1985), l'abrogation par l'Etat de la régulation du système de santé (1990) ainsi que le statut général du travailleur. Dans les débats, plusieurs suggestions ont été soumises pour améliorer ce système, entre autres, son évaluation et la mise en place d'une gestion scientifique.