Perdue en bas de page intérieure d'un journal, une pensée d'une infinie tristesse à la mémoire des Asselah, père et fils. Elle commémore leur assassinat, il y a douze ans, à l'intérieur de l'Ecole des beaux-arts par un groupe islamiste armé qui avait mis un terme, par le sang, à leur amour pour l'Algérie et sa culture. C'était dans l'édition d'hier du quotidien qui ouvrait sa une par l'annonce de la libération de Layada. Une photo montrait l'ex- tôlier de Baraki, un des fondateurs du GIA, scrutant la foule venue l'applaudir, un sourire en coin. Aucun pardon, aucune compassion envers ses victimes et à l'endroit d'une Algérie qu'il a profondément meurtrie. Des dizaines de milliers de morts et des traumatismes psychiques sur plusieurs générations. Son seul propos a été vengeur envers les éléments des services de l'ordre à l'entrée de la prison Serkadji. Quelques instants plus tard, Layada donnait l'accolade à Ali Benhadj alors que fusaient des youyous et des « Allah Akbar ». Atmosphère apocalyptique d'il y a quinze ans. Sorti de sa cellule il y a quelques jours, le numéro deux du FIS avait applaudi, il y a quelques mois, à l'assassinat des deux diplomates algériens par le groupe irakien Zerkaoui. Un horrible meurtre, presque en direct, qui avait profondément ému la population algérienne. Au même moment, devant le Palais du gouvernement, des familles de victimes du terrorisme manifestaient en brandissant les portraits de leurs proches tués durant la décennie 1990 : « Les médailles que vous accrochez aux poitrines des bourreaux ne nous empêcheront pas de défendre la mémoire de nos chers disparus. » Devant ce temple de l'autorité politique où siège la commission de mise en œuvre de la Charte sur la réconciliation, ces familles seront là, chaque dimanche, et elles le promettent, pour « hanter les consciences ». De qui ? De ceux qui, par le sabre, leur ont ravi leurs proches et des politiciens qui, par leurs calculs, ont trahi la mémoire. Colère et rage de familles qui n'ont pas fait le deuil des leurs. Les crimes de sang ont été absous par la réconciliation sans contrepartie aucune. Les assassins et les bourreaux n'ont ni pardonné ni avoué leur méfaits. Une Algérie qui sanglote et une Algérie qui pavoise. De quoi serait fait demain avec cette nouvelle fracture qui vient s'additionner à toutes les cassures existantes ? Comment accepter que les assassins d'hier soient légitimés et leurs victimes une seconde fois assassinées ? Et qu'une loi inscrive l'oubli et contraigne toute une société à s'y plier au mépris de toute morale. Que dire aux jeunes Algériens et quoi laisser comme valeurs fondamentales aux générations futures ?