Nos petits-enfants passeront-ils leurs vacances d'été à faire des pâtés de sable lunaire et leur lune de miel dans un hôtel en orbite autour de Mars ? Pas sûr, mais le voyage dans l'espace pourrait d'ici là être accessible au touriste (presque) ordinaire. Le tourisme spatial existe déjà. « Si vous avez 20 millions de dollars de trop, il y a une place libre en avril l'année prochaine », indique Dieter Isakeit, du bureau de communication de la direction vols habités de l'Agence spatiale européenne (ESA), lors d'une conférence dimanche au Salon du tourisme de Berlin. Vingt millions de dollars, c'est ce qu'a payé en 2001 le premier touriste de l'espace, le millionnaire américain Dennis Tito, pour séjourner une semaine dans la station spatiale internationale ISS. Peu de gens sont prêts à payer autant - un Japonais sera en septembre le quatrième -, mais c'est « une bonne publicité » pour sensibiliser le public, selon Robert Goehlich, professeur spécialisé à l'université Keio de Yokohama au Japon. Pour le touriste ordinaire, des vols suborbitaux, permettant de rester quelques minutes en apesanteur, devraient être réalisables d'ici à 15 ans, des vols en orbite de quelques heures autour de la Terre d'ici à 25 ans, estime-t-il. L'étape suivante, un vrai séjour dans l'espace, est en revanche « plutôt loin dans l'avenir », ne serait-ce que pour des raisons financières. A l'ITB, une maquette montre à quoi pourrait ressembler un hôtel spatial. Le module, conçu pour s'assembler à l'ISS, comprend quatre petites cabines couchettes pour deux personnes, une pièce commune et des sanitaires. Un équipement spartiate pour lequel le concepteur, Dirk Schumann, avance un tarif possible de deux millions de dollars par personne pour une semaine. Autre souci, la sécurité. « Le point faible des navettes aujourd'hui, c'est qu'elles ne permettent pas d'éjecter et de sauver l'équipage en cas de grosse avarie », note l'astronaute allemand Ulf Merbold. Et « la station spatiale n'est pas comme un avion où la cabine de pilotage est séparée des passagers. C'est un peu comme si dans un hôpital, les gens entraient dans le bloc opératoire pendant une intervention cardiaque », relève M. Isakeit. Quant à voir Mars et Saturne sur les catalogues des opérateurs, c'est peu envisageable, vu la durée du voyage : il faudra d'abord développer de nouvelles technologies de propulsion. Pour les impatients, tout n'est pas perdu. Le prestataire spécialisé European Space Tourist propose pour 5000 euros un forfait de quatre jours en Russie, avec visite du centre de formation de la Cité des étoiles et expérience de gravité zéro lors d'un vol parabolique. Selon le patron Thomas Kraus, « la demande augmente régulièrement », provenant surtout de sociétés cherchant un cadeau original. « Dans les prochaines années, il y aura des progrès dans le domaine suborbital et des prestataires pour offrir des vols à des conditions financières acceptables », assure-t-il. Certains inconvénients, en revanche, ne seront peut-être jamais réglés. Pour s'initier à la gastronomie de l'espace, European Space Tourist commercialise sur Internet des aliments utilisés par la Nasa. Et s'en tient prudemment aux sachets de fruits déshydratés et au chocolat. Le reste « a l'air sympathique sur le menu, mais dans l'assiette on a une structure gélatineuse beaucoup moins appétissante », relève M. Goehlich. « Cette colonie artificielle qu'est la station spatiale est incroyablement déficitaire comparé à la qualité de vie sur terre », prévient aussi M. Merbold. « Il y a des endroits plus confortables qu'une navette pour passer sa lune de miel » ou même célébrer un mariage : « Avec un scaphandre, vous ne pouvez pas embrasser la mariée ! »