En lançant sa première mission vers la Lune, l'Inde entre dans l'Histoire. Un projet de 80 millions de dollars qui vise à faire du géant asiatique le leader de l'industrie spatiale. L'Inde a lancé avec succès mercredi sa première mission inhabitée vers la Lune, un événement historique grâce auquel cette grande puissance spatiale asiatique espère se hisser au niveau de la Chine et du Japon. Cette mission inédite de 80 millions de dollars doit durer deux ans. La fusée PSLV a parfaitement décollé à 06H22 (00H52 GMT), avec à son bord l'engin spatial Chandrayaan-1, depuis le centre Satish Dhawan de Sriharikota, sur la côte sud-est de l'Inde à 90 km au nord de Madras. « C'est un moment historique. Nous avons commencé notre voyage vers la Lune », a exulté le président de l'Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO), G. Madhavan Nair, sous les applaudissements des ingénieurs. « Nos scientifiques rendent une fois encore le pays fier de lui et la Nation les salue », a félicité le Premier ministre Manmohan Singh en visite au Japon. Dix-neuf minutes après s'être élevée dans le ciel, la fusée PSLV a placé Chandrayaan-1 en orbite transitoire autour de la Terre. Le 8 novembre, le vaisseau Chandrayaan-1, chargé d'instruments scientifiques indiens, européens et américains, devrait atteindre son orbite lunaire à 385.000 km du globe terrestre. Il effectuera des expériences et des observations autour de et sur la Lune, comme des études topographiques, la recherche d'eau, de minéraux et de substances chimiques, notamment grâce à l'alunissage d'une sonde peinte aux couleurs de l'Inde. Course à la conquête de la Lune Le géant asiatique -un acteur régional aux ambitions de superpuissance- veut surtout prouver qu'il est devenu leader dans l'industrie spatiale face à la concurrence de la Chine et du Japon. Mais le rival chinois dispose d'une colossale longueur d'avance en ayant réussi en septembre à faire sortir un Homme dans l'espace et en réaffirmant son projet d'un vol habité vers la Lune. Après les alunissages de vaisseaux habités entre 1969 et 1972 dans le cadre du programme américain Apollo, les grandes puissances d'Asie -Japon, Chine et Inde- se livrent une course à la conquête de la Lune dont ils veulent faire une plate-forme d'exploration de l'espace et de Mars. Outre l'envoi d'une mission lunaire humaine, la Chine veut construire un laboratoire dans l'espace, concurrent de la Station spatiale internationale (ISS). Le Japon a lancé une sonde vers la Lune fin 2007 et veut y envoyer un astronaute d'ici à 2020. Quant à l'Inde, elle a prévu 60 vols spatiaux d'ici à 2013, y compris vers la Lune et vers Mars. Un second programme lunaire « Chandrayaan » est prévu en 2010, selon le président de l'ISRO, assurant qu' »avant 2015, l'Inde réalisera une mission spatiale habitée grâce à une capsule occupée par deux astronautes indiens ». Pour préparer ce vol, New Delhi était parvenue en 2007 à récupérer sur Terre une capsule vide envoyée dans l'espace. 145 milliards de dollars Ce nouveau poids-lourd économique veut aussi se faire une place dans le club des pays lanceurs de satellites commerciaux. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Ukraine et l'Agence spatiale européenne se partagent ce marché de 145 milliards de dollars sur les dix ans à venir, selon le cabinet Euroconsult. En avril, l'Inde avait réussi l'exploit mondial de placer sur orbite -en même temps et avec un seul lanceur- dix satellites, dont huit étrangers. Le géant d'Asie du Sud facture ses lancements 35% moins cher que d'autres agences spatiales étrangères. Le programme spatial de cette puissance atomique militaire a démarré en 1963 mais était jusqu'à récemment réservé aux lancements de ses propres satellites, dont le premier remonte à 1980. L'Inde n'hésite plus aussi à offrir ses services dans l'espace pour la sécurité régionale: l'ISRO avait lancé en janvier un satellite espion israélien censé surveiller les installations nucléaires de l'Iran, provoquant la colère de Téhéran.