Lhesnaoui d Ccix (El Hasnaoui, le maître) est le titre d'un ouvrage fort intéressant écrit par Ajgu Abelqas. Sur 244 pages, l'auteur retrace la vie et l'œuvre de cet artiste à la voix et au style uniques. Le livre est le fruit d'un travail de recherche minutieux de plus de deux ans autour du riche répertoire de cette figure de proue de la musique chaâbie algérienne. «Nous le voulons comme un travail non exclusif et non exhaustif, un essai de transcription et de traduction des chansons du grand maître», souligne Ajgu Abelqas dans l'avant-propos de l'ouvrage. «Le répertoire Sacem de Cheikh El Hasnaoui contient 74 chansons, dont 37 en langue kabyle et 37 en arabe populaire. Nous avons essayé de regrouper toutes les chansons, en langue kabyle dans un premier temps, disponibles à la vente aussi bien en Algérie qu'en France, au nombre de 34 dont certaines en plusieurs versions. La transcription des chansons a été réalisée selon les dernières recommandations liées à l'écriture de la langue amazighe et la prononciation si particulière du grand maître n'a pas été prise en considération, nous avons privilégié le sens», précise-t-il. Les textes, proposés en kabyle et traduits en français, font voyager le lecteur dans l'univers magique des vers si cher à l'artiste des Ihasnaouène. Ayemma yemma (ô mère !), Acu-t wagi ? (que se passe-t-il), Bu leeyun tibarkanine (homme aux yeux noirs), Fadma, Ijah rrayis (Il a perdu la raison), Init as ma ad yas ? (dites-lui s'il vient ?), lgherba teweer (L'exil est pénible), Ma tebghid, nekk bghigh (Si tu brûles d'envie, moi autant), Maison Blanche, Mrehba slehbeb (bienvenue aux amis), Rebbi Imaeebud (Seigneur vénéré), Tiqbayliyin (Les femmes kabyles), Truhed Tejidiyi (Tu es parti sans moi), Tihdayine (ô filles !), Anda Ara tt-afegh (où pourrai-je la trouver ?). Des chefs-d'œuvre dont la poésie et la musique se savourent à ce jour. Cheikh El Hasnaoui, de son nom kabyle Si Mouh N Amar U Mouh, est né, selon l'état civil, le 23 juillet 1910 sous le nom patronymique de Mohammed Khelouat, au hameau de Taâzibt, un petit village de la région d'Ihesnawen (Tizi Ouzou). C'est, d'ailleurs, du nom de sa région natale qu'il en tirera son pseudonyme artistique qui était à l'origine Ben Ammar Hasnaoui, puis Cheikh Amar El-Hasnaoui, avant de devenir Cheikh El-Hasnaoui plus tard. A Alger, où il exercera plusieurs petits métiers, il côtoyait El Anka et Cheikh Nador. «Ainsi, il assimila toutes les finesses de ce genre musical exigeant et s'affirme, bientôt, comme un artiste accompli, maître de son art et capable de l'exprimer aussi bien dans sa langue maternelle ‘‘Taqbaylit'', comme il le dit si bien, qu'en arabe dialectal, l'autre langue qu'il vient d'acquérir et de perfectionner», relève l'auteur. Selon la même biographie, Cheikh El Hasnaoui y vivra jusqu'en 1936, date de son dernier retour dans sa région natale. «La situation ambiante (sociale, intellectuelle…) ne lui plaisant guère, il confia, un jour d'été, à Si Saïd U L'Hadi, un de ses amis d'enfance : ‘‘Cette fois, si je quitte le village, je serai comme une fourmi ailée. Là où me poseront mes ailes je resterai''.» A Paris, le «maître» s'impose sur la scène artistique. Il se lie d'amitié avec Mohamed Iguerbouchène, avec lequel il collabore dans des émissions radiophoniques. Adepte du calme, il quittera la région parisienne et la maison qu'il a construite de ses mains à Anthony pour s'installer à Nice (Rue de Belgique). En 1985, il laisse sa seconde demeure pour un voyage qui le mènera dans les Antilles, où il séjournera, seul, quelques mois avant de repartir vers Nice rejoindre sa femme. En 1988, il récidivera en mettant le cap sur l'île de la Réunion où il s'installera à Saint-Pierre, en compagnie de sa femme Denise, dans la même année. Cheikh El Hasnaoui tira sa révérence le 6 juillet 2002, à l'âge de 92 ans. Il sera inhumé, conformément à ses vœux, à Saint-Pierre de la Réunion, où un jardin public porte aujourd'hui son nom. «Il est parti le maître, discrètement, comme il a toujours vécu, Cheikh El-Hasnaoui, celui qui mérite plus qu'un autre la place de véritable classique de la chanson kabyle (et même algérienne), nous a laissés, emportant avec lui tous ses secrets. Ses choix de vie ? La rupture avec le pays ? Paroles de certains de ses textes ?», conclut l'auteur de l'ouvrage.