Ajgu Abelqas, journaliste indépendant, natif de Tizi Ouzou, vient de réaliser son premier documentaire. Il s'agit de Cheikh El Hasnoaui, un ton pour longtemps. C'est après avoir écrit un livre sur le chanteur d'Ihesnawen que l'idée de ce documentaire lui est venue. Rencontré à la Maison de la culture de Tizi Ouzou, Ajgu Abelqas nous parle de son produit audiovisuel sur le maître. L'Expression: Vous avez d'abord écrit un livre sur Cheikh El Hasnaoui, et là, vous réalisez un documentaire sur le même personnage, est-ce que votre objectif ne consiste pas à toucher plus de monde? Ajgu Abelqas: Je ne présenterais pas les choses ainsi, je dirais que le livre avait pour objectif principal la transcription des paroles du Maître le plus «correctement possible», afin de mettre fin au charcutage de ses textes et la déformation de leur sens initial. Le documentaire s'est imposé à nous comme une suite logique à partir du moment où nous avions récolté beaucoup de documents et de témoignages au sujet de Cheikh El Hasnaoui, nous avons jugé que nous ne devions pas être égoïstes et garder cela pour nous-mêmes. Cheikh El Hasnaoui est un artiste connu pour sa discrétion, on devine les difficultés que vous avez rencontrées pour faire ce travail, notamment concernant la récolte des archives, mais aussi pour trouver des personnes qui peuvent vraiment apporter des témoignages sur lui... Effectivement, il est très difficile d'obtenir des documents d'archives concernant Cheikh El Hasnaoui, qui a toujours préféré vivre dans la discrétion, mais de fil en aiguille, nous avons quand même pu en récolter suffisamment pour enrichir le récit en documents. Pour ce qui est des intervenants, la difficulté était plus de séparer le vrai du faux. Au départ, nous avons interviewé une quarantaine de personnes, entre artistes ou connaissances de près ou de loin de Cheikh El Hasnaoui, de tout cela, nous avons retenu une trentaine de témoignages pertinents ou qui cadraient avec les informations qui étaient en notre possession. A ce sujet, je n'oublierai pas de signaler le sérieux et la disponibilité de Abderahman Abdelli et de Beihdja Rahal qui ont énormément apporté au film en leur qualité de témoins directs ayant rencontré Cheikh El Hasnaoui, qu'ils en soient ici remerciés particulièrement, mais sans oublier les autres intervenants qui se sont montrés disponibles: Abdellah Aouissi, Si Ahmed Ardjaouni, Akli Yahiatene, Si Mhemmed n Cheikh, Mohand Smaïl Seddik, Dda Ferhat Mohandi, Dda Salem Ramdani, Moh-Arezki Khelouat, Hocine Kheloui, Ahcène Aït Zaïm, Lounis Aït Menguellet, Cherif Hamani, Kheloui Lounès, Saïd Khelouat, Si Moh Cherif, Mouh Aqessuri, Moh Hessas, Aït-Rehman Madjid, Rachid Bellik, Youssef Nacib, Aouhid Youssef, Taleb Tahar, Karim Abranis, Kamal Hammadi, Ibri Mohamed et Si Moh. Dans votre documentaire, beaucoup d'artistes ont été interviewés, mais nous avons remarqué qu'il leur a été difficile de percer les mystères des chansons de Cheikh El Hasnaoui? En fait, nous n'avons pas demandé aux artistes de «percer un quelconque mystère», ceux qui l'ont connu ou vu de leurs propres yeux ont été invités à relater cela dans les moindres détails possibles, d'autres qui n'ont pas eu cette chance ont été invités à livrer leur témoignage en leur qualité d'artistes sur la carrière et l'oeuvre de Cheikh El Hasnaoui. Pour ce qui est des mystères des chansons dont vous parlez, tout un chacun doit se faire son idée en les écoutant et en les analysant de son propre chef. En fait, pour celui qui sait écouter, celles-ci ne contiennent aucun mystère, il y dit tout et y distille son «idéologie» sans aucune autre forme de détour. Pouvez-vous revenir sur les étapes de la réalisation de votre documentaire? La première étape a consisté à l'écriture d'une biographie plus élaborée de Cheikh El Hasnaoui et de cerner les intervenants potentiels. Puis, nous sommes passés à l'étape de tournage avec tous les aléas que cela engendre, une fois les rushs constitués, il fallait tout visionner et faire un rapport script. Par la suite, acquérir des images d'archives et enfin passer au montage, le tout a nécessité environ deux ans de travail... Comment expliquez-vous qu'il a fallu attendre 2011 pour qu'un documentaire soit réalisé sur une icône comme El Hasnaoui? Des reportages télévisés ont déjà été réalisés sur Cheikh El Hasnaoui par le passé, mais il est vrai que c'est la première fois qu'un documentaire retrace son parcours d'une façon aussi minutieuse. Nous n'avons pas accordé plus d'importance à une période de sa vie plus qu'à une autre, nous les avons traitées à parts égales, car c'est le tout qui fait et Cheikh El Hasnaoui et le «mythe qui l'entoure». Cette année marque le centenaire de la naissance de Mohamed Khelouat et nous ne le dirons jamais assez, l'Algérie, la Kabylie, Tizi Ouzou et Ihesnawen ont raté l'occasion de commémorer et de célébrer le centenaire d'un immense artiste, c'est notre modeste contribution au travail de mémoire qui aurait dû être présentée, ce n'est jamais trop tard si l'on veut bien faire par ailleurs... Comment avez-vous pu avoir la chanson inédite contenue dans le documentaire? Des inédits de Cheikh El Hasnaoui existent et sont détenus par beaucoup de personnes, mais beaucoup les gardent jalousement certains ayant peur du phénomène de piratage et de leur mise en vente éventuelle; d'autres préférent les garder pour eux-mêmes. Il serait du devoir d'une institution qui aurait pour charge la défense et la promotion de la mémoire et de l'oeuvre du Maître de récupérer tout cela et de choisir la manière la plus appropriée de le diffuser. La chanson inédite que l'on écoute allègrement dans le documentaire est la troisième version de «Maison-blanche», nous avons été «bluffés» par la bonne qualité audio de ce morceau et nous ne remercierons jamais assez la généreuse personne qui nous l'a fait découvrir.