A défaut de pouvoir instituer le débat politique qui devient de plus en plus nécessaire dans une société complètement verrouillée par un pouvoir ultraconservateur et monopolisateur de la pensée, la télévision nationale cherche visiblement à se rattraper en traitant de sujets sociaux qui restent d'une manière ou d'une autre collés à l'actualité. Des émissions spécialisées (comme Enjeux, Sur le vif) ont ainsi été créées pour pallier quelque peu le vide effarant laissé par l'absence de communication politique dans une conjoncture, pourtant, où les besoins des citoyens d'en connaître un peu plus sur l'évolution du processus démocratique, sur les bons et mauvais côtés de la gouvernance actuelle, sur les règles faussées de l'alternance, sur l' incompréhensible mais néanmoins catastrophique repli de l'opposition sont grandissants. Les Algériens ont, dit-on, adopté en masse la charte sur la réconciliation nationale, mais combien d'entre eux ont pris le soin de l'étudier dans ses moindres détails avant de se prononcer ? La télévision, de ce point de vue, ne les a pas aidés à se forger une opinion critique en recourant au battage médiatique à sens unique. On aurait aimé, en ce temps-là, avoir un vrai débat sur la question avec des avis différents et surtout contradictoires. Cela n'a pas été le cas. La doctrine de l'Unique est ainsi faite. Dès qu'il y a des enjeux politiques sensibles qui secouent la société, elle tourne la tête. Tenez, en ces moments... d'euphorie gouvernementale provoquée par la libération massive d'ex-terroristes, conformément aux dispositions contenues dans les textes d'application de la charte sur la réconciliation, ne comptez surtout pas sur le petit écran national pour donner la parole aux familles des victimes du terrorisme afin de savoir ce qu'elles en pensent. Politiquement, la parole agitée en dehors des canons officiels est, on l'a compris, mise au placard et pour longtemps...On l'autorise, cependant, à accompagner la réflexion sur des thèmes qui touchent directement la vie du citoyen quand elle ne risque pas de fâcher les tenants du pouvoir, tout en apportant un plus en matière de crédibilité à la télé. D'une pierre deux coups et l'éthique est sauve. Du moins, c'est comme ça qu'on doit penser en haut lieu et il faut se faire une raison. Cela dit, aborder l'état de fausse complémentarité qui existe entre l'école publique et l'école privée et parler dans la même semaine de l'épineux problème de la fuite des cadres représentée, en l'occurrence, par l'élite médicale qui s'est installée de l'autre côté de la Méditerranée auront été une excellente opportunité pour les téléspectateurs de s'informer sur certaines vérités demeurées dans l'ombre. Celles de la formation d'une part de nos enfants pour en faire les cerveaux de demain et des motivations d'autre part qui sont à la base des départs à l'étranger d'une bonne partie de nos cadres alors que le pays en manque dans des secteurs bien précis. Le lien dialectique entre les deux sujets traités respectivement par les deux émissions “Sur le Vif' et “Sans Visa” est certes bien établi, mais la relation de cause à effet n'est pas pour autant évidente. En fait, si on est revenu avec autant de passion sur l'existence même d'une école privée en Algérie qui semble tellement déranger le ministère de l'Education, c'est pour mieux la banaliser. Objet de controverse, l'école privée n'a jamais été considérée comme le complément de l'école publique, mais comme une rivale qu'il fallait dresser. Pourquoi donc sont-ils nombreux les Algériens à vouloir envoyer leur progéniture dans les écoles payantes ? Tout simplement, disent-ils, parce que l'école publique ne remplit pas bien son rôle. Cette question a été contournée, au profit d'une argumentation par trop doctrinaire. Dommage ! Nos médecins établis en France ont été interpellés, eux, pour un éventuel retour au pays. Le SOS paraît simple, mais on a compris d'abord que s'ils ont été amenés à partir c'est parce qu'on les a poussés à le faire et si on a vraiment l'intention de les voir revenir, il faudrait commencer par... leur faire appel. La balle est dans le camp des autorités, ont-ils dit en conclusion.