Nous avons apprécié la pièce, même si nous ne comprenons par le kabyle. » Telle est en résumé l'impression d'une partie du public venu, mardi, suivre la pièce de théâtre Fadhma n'Soumer. Pièce présentée par la troupe du Théâtre régional de Béjaïa (TRB), texte et mise en scène de Omar Fetmouche. Elle a duré 1h20mn. Fadhma n'Soumer constitue une des figures de la lutte algérienne pour se libérer du joug colonial français durant le XIXe siècle. Elle était en Haute Kabylie à la tête de la résistance contre les forces armées d'occupation du maréchal Randon. Cependant, dans la pièce, il n'y a pas de héros et le parcours de Fadhma n'Soumer n'est qu'une toile de fond pour traduire le combat de la femme pour se libérer des carcans des conventions sociales, lesquelles font d'elle une mineure. Un combat qui demeure d'actualité. Ainsi, le metteur en scène a évité de retracer la vie de cette femme d'une manière hagiographique ou linéaire. D'autant que Fadhma n'Soumer, avant de se hisser à la tête de la résistance face aux forces coloniales, s'est révoltée contre le pouvoir des mâles dans sa propre société. Ainsi est-elle considérée par les siens comme une égarée, une hérétique. Dans une société, les idées nouvelles sont proposées par un individu ou un groupe d'individus. Il n'y a pas de conscience collective. La conscience est individuelle, mais imposer des idées nouvelles suppose la transgression des règles sociales établies. Ce qui suscite la résistance de la société. Fadhma n'Soumer a pu convaincre sa société que la femme peut prendre des initiatives et assumer des responsabilités au prix de sa vie. Elle peut braver le danger et accomplir des tâches jusque-là réservées aux hommes parce que ce sont des mâles. Ainsi, la pièce traduit un autre combat au-delà d'un combat. Il s'agit de la lutte de la femme pour son émancipation et de l'individu pour se libérer des conventions de son environnement social. Un environnement compartimenté. L'esprit gérontocratique fait que c'est l'aîné qui prime sur le plus jeune, l'homme sur le plus jeune et le collectif sur l'individu. En d'autres termes, les règles du jeu font que le « je » se noie dans le « nous ». Le metteur au scène a su insuffler à ses comédiens une charge d'émotion suffisante pour attirer l'intérêt de public, sans pour autant cultiver l'esprit thuriféraire. Les décors sont sobres. Ils n'agressent par le spectateur. Fadhma n'Soumer est une pièce à voir ou à revoir. Elle jette un regard neuf et distant sur une partie collective tout en posant des questions d'actualité. A quoi sert d'interroger le passé avec cette vision qui fait que le mort saisit le vivant ?