Les familles de Abane Ramdane et Krim Belkacem, deux figures emblématiques de la révolution, ont décidé de s'unir dans la douleur pour permettre à leurs deux chahids de reposer définitivement en paix. C'était hier soir, autour d'un dîner sympathique offert par Mohamed Maiz, ex-secrétaire général de l'ex-MDRA - le parti créé par Krim - l'homme grâce à qui la grande réconciliation a eu lieu. Dans le cadre intime de sa résidence à Saint Raphaël, à El Biar, M. Maiz a offert son hospitalité aux membres des deux familles pour sceller leurs retrouvailles. Cette heureuse rencontre ne pouvait tomber mieux à la veille de la commémoration du 44e anniversaire des accords d'Evian qui ont consacré l'indépendance de l'Algérie. Il a donc fallu attendre 27 années après l'assassinat de Krim Belkacem dans sa chambre d'hôtel à Francfort, en octobre 1970, pour que ses descendants fassent la paix avec ceux de Abane. Mohamed Maiz affirme qu'il a initié ses contacts avec les deux familles depuis quelques mois, précisant qu'elles ne se connaissent pas. Mais malgré le lourd contentieux historique, les proches de Abane et de Krim ont vite adhéré à la démarche pour clore cet épisode de la guerre. Il faut noter que la Kabylie garde un souvenir controversé de Krim Belkacem, à qui elle n'a jamais pardonné d'avoir cautionné la mort de Abane, le 27 décembre 1957 à Tétouan, au Maroc, en compagnie de Abdelhafidh Boussouf et Bentobal, un groupe plus connu sous le sobriquet des trois B. Même mort, la mémoire de Krim Belkacem a souvent été convoquée pour l'accoler au meurtre de l'architecte de la révolution. Ce fratricide est donc resté comme une tache noire dans le parcours du lion des Djebels, éclaboussant ainsi son engagement corps et âme pour l'indépendance de son pays. C'est en cela que l'initiative de Mohamed Maiz d'organiser cette réconciliation post-mortem est louable. Ce grand pardon, qui a été prononcé hier, participe de cette volonté de solder les comptes d'un passé douloureux pour ces familles, mais surtout réhabiliter l'image d'un combattant presque maudit à cause de ce malheureux événement. En l'occurrence, les frères de Abane et les enfants de Krim ont donné, hier, une belle leçon de tolérance en enterrant ce lourd passif autour d'un couscous. Ensemble, ils ont décidé de scruter l'avenir et d'oublier autant que faire se peut ce passé qui reste imparfait.