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L'urbanisation anarchique et dense du littoral réduit la portée des mesures prises par les pouvoirs publics Samir Grimes. Spécialiste de la protection des écosystèmes côtiers sensibles
- L'Union européenne vient de débloquer une nouvelle aide pour protéger le littoral algérien. De quoi souffre cette côte ? A l'image du pourtour méditerranéen, le littoral algérien souffre de 4 menaces principales. D'abord la littoralisation du développement, l'urbanisation et la concentration des activités humaines sur une bande large de moins de 100 km et couvrant près de 2% du territoire national. La structure spatiale de la population est donc fortement polarisée sur cette bande, où se concentre près de 40% de la population algérienne avec une densité bien au-dessus de la moyenne nationale, soit 274 hab/km². Nous retrouvons, aussi dans cette zone, l'essentiel des terres agricoles les plus fertiles. Le littoral souffre également de pollutions marines. La surfréquentation estivale des sites côtiers sensibles a aussi des effets négatifs sur ses composantes remarquables, piétinement des cordons dunaires qui constituent la première défense naturelle de la côte. Enfin, l'exploitation abusive du sable des plages et des lits des oueds qui amplifie l'érosion côtière déjà perceptible dans plusieurs segments de la côte algérienne : est et ouest d'Alger, est de Jijel, est de Béjaïa… L'utilisation des techniques de pêche non conventionnelles, le non-respect des tailles marchandes et du repos biologique et le chalutage sur les petits fonds sont des pratiques qui exposent les stocks halieutiques à un déséquilibre certain. Il y a lieu également de souligner que le non-respect de la loi et le manque d'enthousiasme de certains acteurs censés faire respecter la loi ainsi que la planification pas toujours concertée sont aussi des facteurs déterminants dans la préservation des zones côtières. Le non-respect des clauses des cahiers des charges (études d'impacts, concessions des plages, zones d'expansion touristique) constitue à cet effet un élément sur lequel nous devons tous être très attentifs.
- Si l'état du littoral n'est pas amélioré, quels sont les risques ?
La dégradation de la qualité et des paysages côtiers peut affecter la fréquentation touristique. Un littoral dégradé provoque aussi une réduction des stocks halieutiques avec forcément un effet direct sur le coût des espèces de forte valeur marchande ou de large consommation. Mais cela dégrade aussi la qualité des eaux de baignade avec des effets sur la santé humaine. Enfin, il existe un risque d'élévation des coûts de la protection et de la restauration des zones dégradées et de perte de la biodiversité marine et des habitats les plus remarquables.
- Cette aide est-elle vraiment nécessaire ? Le gouvernement algérien ne prend-il pas déjà en charge la protection du littoral ?
Depuis la promulgation la loi 02-02 relative à la protection et à la valorisation du littoral, des efforts importants ont été consentis pour améliorer la qualité du littoral et le préserver. Il existe, en effet, un plan d'action pour la mise en place d'aires marines protégées, censées préserver les parties patrimoniales du littoral algérien. De même que des efforts très importants ont été déployés pour raccorder le maximum de la population littorale au réseau d'assainissement avec un nombre croissant de stations d'épuration qui ont été mises en place. Toutefois, le manque de planification concertée et l'urbanisation anarchique et denses du littoral réduisent la portée des mesures positives et coûteuses qui ont été prises par les pouvoirs publics. Pour que cette action soit efficace et durable, il faudrait que tous les acteurs «jouent le jeu». Il faut arrêter de croire que la protection du littoral et des côtes est l'affaire seulement des institutions chargées de la protection du littoral et de l'environnement. Les collectivités littorales ont un rôle central à jouer tout comme le mouvement associatif qui doit se manifester de manière plus pertinente et sortir de «l'action événementielle».
- A votre avis, quel devrait être le domaine d'action prioritairement soutenu par ce nouveau fonds ?
Trois axes seraient pertinents pour ces fonds. Le renforcement du dispositif national de monitoring de la zone côtière, l'amélioration des capacités nationales et locales d'évaluation environnementale dans les zones côtières et le renforcement des capacités nationales d'adaptation aux risques environnementaux et naturels en zone côtière : risques industriels, aléas et risques météo climatiques, érosion côtière, vulnérabilités ou changements climatiques.