Le Mouvement Ennahda est divisé sur l'attitude à suivre pour soutenir le gouvernement et faire face à la montée en puissance de l'opposition, notamment le Parti Nida' Tounes de Béji Caïed Essebsi, le Premier ministre de la transition. L'appel du ministre-conseiller, Lotfi Zitoun, à investir la rue avant-hier, vendredi 31 août, pour soutenir le gouvernement, n'a réuni que quelques centaines de manifestants. L'appel à la manifestation «millionnaire» d'avant-hier, lancé via les réseaux facebook proches du parti islamiste Ennahda, dont la page du ministre Zitoun, n'a pas eu l'écho escompté. Le rassemblement s'est limité à un petit millier de personnes qui ont fait la prière du vendredi à la place du Gouvernement à la Kasbah et assisté à un discours de Lotfi Zitoun avant de se disperser. Toutefois, ce rassemblement ne saurait évaluer la popularité du mouvement Ennahda, du moment que des appels contradictoires l'ont précédé au sein même de ses initiateurs, traduisant un manque flagrant d'harmonie sur la méthode à adopter sur le plan populaire pour faire face à la percée de l'opposition, notamment le Parti Nida' Tounes, formé autour du Premier ministre de la phase de transition, Béji Caïed Essebsi. En effet, après une sensibilisation orchestrée par les jeunes d'Ennahda dans le cadre de la campagne «Ikbess» (serrer), qui a duré près d'une semaine, le ministre de l'Intérieur, Ali Laâreyedh, est intervenu mardi dernier, 28 août, pour affirmer que l'administration n'a reçu aucune demande d'autorisation pour manifester le vendredi 31 août à la Kasbah. Laâreyedh a fait ainsi un clin d'œil à ses «frères» d'Ennahda s'ils veulent se rattraper. «Il y avait encore les 72 heures exigées par la loi s'il ne s'agissait que d'une omission», a remarqué le journaliste d'Attounissya, Soufiane Ben Farhat. Or, ce n'était pas de l'omission, cette manifestation ne réunit pas autour d'elle les ténors de la mobilisation populaire au sein d'Ennahda. En réponse à une question sur la manifestation, lors d'une conférence de presse tenue jeudi dernier pour présenter le nouveau bureau politique d'Ennahda, Rached Ghannouchi a dit que «le mouvement n'a pas appelé à manifester mais il soutient toutes les actions de masse en vue de pousser le gouvernement à réaliser les objectifs de la révolution». Pour sa part, le ministère de l'Intérieur a publié le même jour un communiqué indiquant qu'il n'a autorisé aucune manifestation légale pour le vendredi. «C'est dire la cacophonie au sein d'Ennahda en rapport avec sa tactique dans la rue contre l'opposition», a ajouté Soufiane Ben Farhat. «Petite» manifestation Bien que le ministère de l'Intérieur n'ait pas autorisé la manifestation, des centaines de personnes ont effectué la prière du vendredi sur la place du Gouvernement et scandé des slogans en soutien au gouvernement et contre Béji Caïed Essebsi, le Premier ministre de la transition. Lotfi Zitoun, le ministre-conseiller auprès du chef du gouvernement, chargé du dossier politique, y a participé et prononcé un discours indiquant que c'est un simple rassemblement pour faire la prière du vendredi et non pas une manifestation, histoire de dire qu'il ne passe pas outre les consignes de l'administration. Il a, également, appelé son auditoire à «ne pas écouter ceux qui prétendent que le gouvernement cherche à faire pression sur les médias ou intervenir pour changer leur ligne rédactionnelle». «Ne les laissez pas vous induire en erreur, ne croyez pas leurs diffamations et mensonges», a-t-il lancé en substance. Lotfi Zitoun a également attiré l'attention de son public sur le fait que «le calme du gouvernement ne saurait être pris pour de la faiblesse». «Il s'agit d'un gouvernement de la Révolution qui doit tenir compte de tous les impondérables», a-t-il insisté. Il a également exprimé la ferme intention de ne pas laisser la possibilité à un retour des «corrompus, criminels et autres RCDistes» sur la scène politique. Pour ce qui est de l'imam qui a dirigé le prêche, il a lancé trois messages : un aux médias les appelant à être «neutres» et à «craindre Dieu». Le deuxième a été adressé au gouvernement pour lui demander d'«accélérer les procédures de jugement des personnes et responsables impliqués dans les affaires de corruption et à être fermes avec les corrompus». Le dernier message était à l'intention du peuple, lui demandant de «soutenir le gouvernement et de lui obéir tant qu'il suit les préceptes de l'islam». A la fin de la prière, Lotfi Zitoun a fait appel à la foule pour se disperser dans le calme, en se conformant aux restrictions sécuritaires émanant du ministère de l'Intérieur. Les forces de l'ordre étaient présentes en masse, mais ne sont pas intervenues, malgré le caractère illégal de la manifestation. L'équipe de la télévision nationale, Watanya 1, a été, au début, interdite de couvrir cette manifestation avant qu'elle ne soit autorisée à revenir faire son travail, suite à l'intervention du ministre Zitoun. «Dégagez, vous ne nous représentez pas», ont scandé les manifestants. Par contre, Al Jazeera Live a été autorisée à couvrir l'événement en direct. Le ministre de l'Intérieur avait publié avant-hier un communiqué rappelant «qu'aucune manifestation n'a été autorisée suite à la prière du vendredi 31 août». C'était sa deuxième intervention sur la question, après celle du mardi 28 août, quand il a rappelé «qu'aucune demande n'a été déposée pour une manifestation le vendredi 31 mai». Il est clair que le Mouvement Ennahda est divisé sur l'attitude à suivre pour soutenir le gouvernement et faire face à la montée en puissance de l'opposition, notamment le Parti Nida' Tounes de Béji Caïed Essebsi, le Premier ministre de la transition.