« C'est une réalité nouvelle, car les travaux de démographie historique démontraient que 99% des individus se mariaient. C'était une situation normale de la majorité des sujets algériens », rappelle Mme Oussedik, maître de conférence à l'université de Bouzaréah et maître de recherche au CREAD. Des indicateurs vont dans ce sens tels que la législation basée sur le fait que la famille protège. « On parle toujours de famille à valeur économique, démographique ou morale. On ne peut pas percevoir le sujet en dehors de la famille », relève Mme Oussedik. Les mutations qu'enregistre la société algérienne propulsent l'individu dans une dimension telle, qu'il se bat pour exister en tant qu'individu. En effet, « il existe une augmentation sensible du célibat avant 30 ans. En 1998, l'homme se mariait à 31,3 ans et la femme à 27,6 ans. Il s'agit d'une moyenne nationale et qui comprend donc le monde rural », explique la sociologue. Et de poursuivre : « Dans le monde urbain, comme Alger qui figure en tête de pont dans la hiérarchie urbaine, il existe 800 000 célibataires sur 2 800 000. » Plusieurs facteurs viennent expliquer le phénomène du célibat, et les experts enregistrent des causes telles que le chômage, la scolarité des femmes qui est de plus en plus longue et donc retarde l'âge du mariage. Sans compter sur l'allongement de l'espérance de vie qui est passé à 74,8 ans en 2004. Quels sont les effets des mutations sociales ? « Parce que le célibat existe, il travaille les sociétés. Le code de la famille qui consacre la famille doit s'intéresser au statut personnel des individus. » « La promiscuité conduit à l'inceste », argumente Mme Oussedik. Un exemple tiré d'un article de la presse vient alimenter les explications de la sociologue : « J'ai lu un article qui rapportait le suicide d'un jeune homme de 42 ans. Un jeune homme. Et non un homme. En fait le journaliste voulait dire un célibataire de 42 ans », raconte t'elle. « Nous assistons actuellement à des demandes de partis politiques pour l'instauration de la flagellation. Car l'effet du célibat et de l'allongement de l'âge du mariage conduit à des frustrations sexuelles. Il persiste aujourd'hui une contradiction entre la moralité sexuelle et la réalité sociale », poursuit-elle. Les individus ont des revendications de bien-être et la profusion de sites internet de rencontres ou le phénomène de la fête de la Saint Valentin sont autant d'indices. Des metteurs en scène ont compris le phénomène du célibat. Omar Gatlatou, en 1976, ou Bab El Oued City, en 1994, traitent directement ou indirectement de la souffrance du sujet célibataire. Mme Oussedik cite également Ambre blanche de Saïd Ould Khelifa où la société est travaillée par le célibat. La figure de la femme qui était la figure de la mère s'est transformée. C'est la femme célibataire qui mène sa révolution silencieuse. Le frère qui a pris le rôle du père continue à exercer le contrôle. Mais nous retrouvons ces femmes dans l'espace public alors qu'elles n'occupaient que l'espace privé. Elles sont serveuses ou vendeuses. « Pour être une femme, il faut avoir des hommes en face. Et ce sont elles qui produisent de la masculinité. Il suffit à ce titre de prendre l'exemple de la sœur de Antar Zouabri, le terroriste sanguinaire, qui enterrait ses frères et les portait en héros. »