Le gouvernement est décidé à exploiter le gaz de schiste, alors que le sujet fait polémique en Europe. Le pays disposerait de réserves estimées à 600 trillions de mètres cubes de gaz de schiste. Evaluation révélée grâce à des études réalisées en partenariat sur une superficie de 180 000 km2 et avec un taux de récupération de 20%. Ce chiffre, s'il se confirme, selon le ministre de l'energie et des Mines, représente quatre fois les réserves conventionnelles actuelles du pays. Il espère ainsi que cette filière prendra le relais du gaz naturel, dont les gisements devraient commencer à décliner à partir de 2030. S'il est légitime de vouloir assurer la transition énergétique, l'option du gaz de schiste pose toutefois autant d'interrogations que de risques. Confrontée au stress hydrique, l'Algérie a-t-elle les moyens financiers et les réserves d'eau nécessaires pour se lancer dans une industrie réputée boulimique en eau ? Ali Hached, expert en énergie et conseiller du ministre de l'Energie et des Mines, avait reconnu récemment que d'importants investissements sont nécessaires pour soutenir l'effort d'exploration et d'exploitation des gaz de schiste. Quid de l'impact écologique ? «La France, mais aussi le Québec et bien d'autres pays – à l'exclusion des USA – ont déjà interdit l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste à cause des problèmes de pollution de la nappe phréatique par les produits chimiques utilisés. L'Algérie, en revanche, ne semble pas mesurer l'impact catastrophique à très long terme du choix d'une telle filière», soulignait Hocine Bensaâd, expert et consultant en gestion et prévention des risques de catastrophes dans une contribution publiée dans une édition d'El Watan en mai dernier. La technique controversée de la fracturation hydraulique est susceptible d'entraîner des pollutions du sous-sol. La question nécessite «une longue maturation» avec les partenaires de l'Algérie, rétorquait le conseiller du ministre de l'Energie. Le gouvernement ne veut pas perdre de temps. Sonatrach venait de forer son premier puits de gaz de schiste dans le bassin d'Ahnet, situé au sud d'In Salah. Ce même groupe est déjà en discussion pour conclure des partenariats avec le groupe anglo-néerlandais Shell et l'américain ExxonMobil. Selon M. Bensaâd, qui cite une contribution publiée dans la presse, cette option pèche par son «incohérence». «Le développement du gaz de schiste va faire chuter de manière durable les prix du gaz conventionnel», prévient M. Bensaâd, précisant que la «technologie de fracturation hydraulique, incontournable pour la production du gaz de schiste, requiert des quantités considérables d'eau pour chaque puits foré. Le Sahara étant ce qu'il est, il faudra dépenser de grandes quantités… d'énergie pour pomper du nord vers le sud une eau qui manque cruellement au pays.» L'expert soutient encore qu'«aucun expert au monde n'est en mesure de garantir la préservation de la nappe albienne, richesse commune des pays du Grand Maghreb, de la pollution et de la dégradation irrémédiable par l'injection de produits chimiques par les compagnies pétrolières à l'affût de contrats juteux alors que leur activité est interdite en Europe.» M. Bensaâd espère que «le nouveau Parlement aura son mot à dire», regrettant qu'«aucun ministère (…) n'a jugé utile de se prononcer» sur le sujet.