Au moment où la situation sur le terrain en Syrie connaît des pics insoupçonnés de violence, le ton des déclarations des responsables des pays voisins monte lui aussi crescendo. Trois personnages-clés du conflit syrien montrent la voie de ce que seront les développements à venir. Dans son discours mardi dernier devant l'Assemblée générale de l'ONU, l'émissaire international qui devra se rendre «dans les prochains jours» au Caire et à Damas pour sonder la Ligue arabe et les autorités syriennes, Lakhdar Brahimi s'est dit «ahuri» par le nombre de victimes. Le remplaçant de Kofi Annane, qui se garde bien de soutenir une intervention étrangère, a qualifié la situation en Syrie de «catastrophe». En écho, le nouveau président égyptien, Mohamed Morsi, qui entend réhabiliter l'image de son pays comme phare du monde arabe, n'a pas hésité à appeler à un «changement de régime à Damas». Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, lui, a franchi le pas en déclarant sèchement que le régime de Bachar Al Assad est devenu «Etat terroriste». En face, les «amis» chinois du tyran syrien évoquent du bout des lèvres la nécessité d'une «transition politique». Pour autant, Lakhdar Brahimi, qui a fait son grand oral devant l'Assemblée générale des Nations unies, ne veut se mouiller ni avec le régime syrien ni avec l'opposition armée. Il tient absolument à discuter avec les deux camps pour sonder leur intention avant de décider s'il était utile d'entamer sa mission. Pour l'heure, il se contente de poser un diagnostic à distance. Il note ainsi que le bilan des pertes humaines est «ahurissant», et que les destructions atteignent «des proportions catastrophiques et la souffrance de la population est immense». Il a donc estimé «indispensable le soutien de la communauté internationale», à condition «que tous les efforts aillent dans la même direction». Lakhdar Brahimi a implicitement exclu dans son agenda une éventuelle caution d'une intervention étrangère. «L'avenir de la Syrie sera déterminé par son peuple et par personne d'autre». Exit donc l'exigence du départ de Bachar Al Assad tel que réclamé par une bonne partie de la communauté internationale, mais surtout des pays arabes, dont la ligue se réunissait hier. «Bachar est englouti dans le sang…» Mais il semble bien que le nouveau médiateur ne veuille pas griller son joker avant d'écouter le président syrien comme l'a fait son prédécesseur, histoire de juger sur pièce. Un jugement sans appel que le Premier ministre turc, Tayyib Erdogan, a déjà prononcé. «Bachar est englouti jusqu'au cou dans le sang», a-t-il lancé hier devant une réunion de son parti. Un constat pas loin de la réalité puisque sur le terrain, les combats font rage, notamment à Alep où un raid sanglant a été effectué hier par l'armée fidèle à Bachar Al Assad qui a fait des dizaines de victimes. Les forces rebelles ont riposté, elles aussi, par une attaque contre un aéroport militaire dans l'est du pays. Face à cette guerre civile qui fauche des centaines de morts, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a critiqué sévèrement hier la «paralysie» du Conseil de sécurité en Syrie, estimant qu'elle nuit à la population syrienne et à la crédibilité de l'ONU. «La paralysie du Conseil fait du tort à la population syrienne et elle nuit aussi à sa propre crédibilité», a affirmé M. Ban. Il a également déclaré : «Nous ne pouvons pas détourner les yeux au moment où une violence sectaire croissante échappe à tout contrôle, où l'urgence humanitaire s'aggrave et où la crise déborde des frontières de la Syrie.» Appuyant les propos de Lakhdar Brahimi, Ban Ki-Moon a affirmé : «Nous devons assumer les responsabilités les plus importantes des Nations unies.» Le chef de l'ONU pointe évidemment la division des 15 pays membres du Conseil de sécurité qui restent incapable sur la conduite à tenir face au régime syrien 18 mois après le début du conflit. La cible est bien sûr la Chine et la Russie qui opposent leur veto à chaque tentative de faire adopter. Le secrétaire général de l'ONU n'a pas manqué par ailleurs de cibler «ceux qui envoient des armes et des aides aux rebelles», encourageant ainsi la formation de milices armées.